La nuit est douce, la nuit est animée et Felicity passe le pas de la salle d’arcade. Pour ce soir, elle décide de fuir le calme de sa chambre pour venir s’enivrer des couleurs de la vie nocturne. Pour ce soir, elle veut se défouler autrement que par le judo, autrement que par un footing nocturne. Alors, sa monnaie est vite échangée contre des jetons et ses yeux pétillants s’accrochent aux arcades de paniers de basket. Incontournable. D’un pas confiant, elle se dirige vers l’une des arcades libre et insère un jeton. Le compteur s’allume, les balles sont lâchées et Felicity en saisit une première. Bras fléchis, une main sous la balle, l’autre à l’arrière, son corps essaie de retrouver instinctivement les gestes corrects pour s’assurer une première réussite. Bras tendus, la balle s’envole, cogne l’arceau avant de retomber lamentablement, mais Felicity ne se dégonfle pas. C’est qu’un échauffement. Deuxième loupée, troisième, puis quatrième, mais elle a l’impression qu’elle s’améliore, qu’elle retrouve ses réflexes. Au fil des lancers, on entend progressivement, de plus en plus, le son des balles qui secouent les filets en anneaux métalliques. À la fin du temps imparti, Felicity regarde même avec fierté le score indiqué en chiffres numériques rouges. Et par curiosité, son regard glisse vers le compteur du joueur à côté. Deux points de moins. Elle ne peut pas s’empêcher de lui lancer un sourire triomphant et d’hausser les épaules, l’air faussement désolé. Désolée d’être aussi forte.

Quelquefois, Felicity s’en veut de faire preuve d’aussi peu de modestie. Quelquefois, Felicity s’interroge sur ce qui l’a poussé à pratiquer le judo, cet art martial qui prône le calme de l’esprit, qui prône l’humilité. Et très souvent, elle balaie ces questionnements à la seconde suivante, comme à l’instant présent, lorsque le jeune homme la complimente. Elle vit de ces fleurs qu’on lui jette.
« Mais non, regarde, tu étais à deux points de me battre », lui répond-elle en riant. Elle jette alors un regard circulaire aux alentours.
« T’es tout seul aussi ? » S’il l’était, ça tombait bien, il lui manquait justement quelqu’un avec qui se mesurer sur les autres arcades.
« Tu veux jouer à d’autres trucs avec moi ? Je te laisse choisir, si tu veux », lui proposa-t-elle, pointant son pouce dans le vide tout en lui faisant un clin d'oeil.

Felicity hoche à peine de la tête et elle se laisse aussitôt entraîner par le garçon, toute surprise par ce soudain élan et toute rieuse comme une enfant. Elle s’installe rapidement dans l’un des sièges, insère un jeton dans la fente prévue à cet effet, juste devant son genou droit et empoigne le volant. Wow, je me souviens pas de la dernière fois où j’ai joué à ça. Est-ce que j’ai déjà conduit d’ailleurs ? Felicity s’accorde une petite seconde de réflexion, mais aucune réponse ne lui vient à l’esprit. Alors, elle tourne la tête vers le garçon.
« T’as déjà conduit pour de vrai ? », lui demande-t-elle, cherchant quelque part à se rassurer.
Et elle reporte son attention devant, déplace son curseur à l’écran, configure les paramètres de jeu, choisi son personnage, son véhicule.
« T’es prêt ? lance-t-elle un sourirent aux coins des lèvres, Prêt à perdre ? » et elle rit.