A croire que t’es devenue parano maintenant, quand tu es dans la rue. Non mais regarde toi, la main sur ton sac pour le maintenir fermé, ton portefeuille désespérant vide – ouais bah ça va, t’avais fait tes demandes de remplacement pour tes cartes mais ça prenait du temps ces trucs là – bien planqué à l’intérieur. Une fois, ça t’avait suffi. Oh, y’avait bien un autre type qui avait tenté de chiper ton sac, mais lui, t’étais certaine qu’il avait actuellement un beau trou dans le cuir chevelu pour lui rappeler qu’à l’avenir fallait plus te faire chier. Par contre … y’avait encore le type qui t’avais volé ton téléphone et le contenu de ton portefeuille. Lui, il était encore dans la nature. Lui, tu faisais tout depuis des jours pour lui retomber dessus, en vain. Tu te fichais des cartes, c’était chiant, mais bon, t’avais fait toutes tes démarches assez facilement grâce à ton nouveau boulot à l’administration, donc à la limite, c’était tant pis. C’était pareil pour le fric, sérieux, y’avait quoi ce jour-là dans ton portefeuille ? Quelques pièces de rien du tout alors, vraiment, il pouvait garder, les bouffer, s’étouffer. Grand bien lui fasse. En revanche … ton téléphone, c’était autre chose. Parce que t’y tenais à ce petit appareil. Y’avait tout dedans … vraiment tout. Tes contacts. Tes réseaux. Une bonne partie de ta vie. Ta musique. Vraiment, absolument tout.

Tu le savais que c’était pas la bonne méthode. Quelqu’un de censé aurait simplement été voir les gens de Police pour signaler le vol, tout ça. T’aurais même eu le droit de faire un portrait-robot du mec aux cheveux blancs et au sourire agaçant. Ouais. C’est tout ce que t’avais retenu de lui, ça plus le fait qu’il était grand aussi. T’avais son visage imprimé grossièrement dans la tête, mais en vrai, t’avais vraiment pas les détails. Même pas la couleur de ses yeux, tiens. Pourtant, c’était un truc que t’avais aucun mal à observer chez les autres d’habitude, les yeux. M’enfin. Il faisait déjà nuit … tu t’arrêtes subitement au beau milieu de la nuit. Bon sang, t’étais carrément dans tes pensées, à tel point que t’avais totalement oublié l’heure. Heure que tu ne pouvais même pas vérifier, d’ailleurs. Tu laisses échapper une espèce de grognement, et quand un type passe à côté de toi, son téléphone à la main, tu oses. Juste pour savoir à quel point t’es en retard pour rentrer. « Vous auriez l’heure, s’il vous plait ? » … Le truc, c’est qu’il t’ignore royalement. Totalement. Il continue sa route. Il trace. Sans un mot, sans même un regard. Rien. T’es invisible, ou quoi. « Sale crétin ! Je suis pas transparente à ce que je sache !! »

☾ anesidora

Et voilà. Encore une fois, tu peux pas t’empêcher de te faire remarquer. Oh, tu aurais pu tracer ta route et demander au suivant, hein, c’aurait été bien plus simple. Mais non. Il avait fallu que tu hausses le ton... Tout ça parce que t’étais stressée à cause de ce téléphone. Bon sang. Combien de fois on t’avait répété que t’étais accro à ce truc ? Toujours sur le ton du reproche, d’ailleurs. Visiblement, c’était vrai. Evidemment que c’était vrai, tu passais la moitié de ton existence avec ce petit bijou de technologie entre des mains, du moins, quand tu avais possibilité de l’avoir entre les mains. Quand on ne te le volait pas, comme actuellement.

Tu le fixes. Et puis … quand il se retourne, tu perds subitement toute ton assurance. Oh, non. Enfin si. Mais non. Pourquoi fallait que ce soit lui ? Tu voulais lui mettre la main dessus, c’était certain, mais là, en le voyant, tu te sentais totalement découragée. Vidée de ton énergie. Il te fatiguait d’avance. Et le voilà qu’il te sourit. Tu sais, avec ce sourire-là. Bon sang, c’est bon, tu le détestes. Tu le détestes vraiment. « Toi ! » Tu sers les poings, de toutes tes forces. Si fort, que tu sens même tes ongles pourtant si courts te rentrer douloureusement dans la peau. T’as qu’une envie, c’est lui coller ton poing en plein visage, juste pour le plaisir d’effacer ce maudit sourire de là.

Tu fais quelques pas en avant … est-ce qu’il va encore se volatiliser ? Tu en doutes. Du moins, pas tout de suite. Il a l’air d’être joueur et ça a l’air de l’amuser de te faire enrager. Tant mieux pour lui. D’ailleurs … Oh. Mais c’est ton téléphone avec lequel il s’amuse là. Étonnant, tu te serais attendu à ce qu’il s’en débarrasse pour en tirer quelques billets. Tu grimaces, avant de soupirer. Il l’a toujours, ça veut dire qu’il a réussi à le déverrouiller. Sinon, pourquoi se balader avec ? Bon sang. Ça voulait dire qu’il avait eu accès à son contenu. A tout ce qui était à toi. A une bonne partie de ta vie, et ça … ça te mettais tellement en colère. Y’avait tout là-dedans. Tes pensées, tes états d’âme, tout.

Tu ignores ses piques. A quoi bon répondre à ça ? Ça ne t’avancera pas. « Qu’est-ce que tu veux à la fin ? » Franchement, t’avais pas envie de batailler durant des heures. Qu’il te le rende, ou qu’il le balance, il pouvait même le détruire, mais ça te rendait malade de savoir qu’il l’avait, et qu’il avait probablement tout ce qui te concernait très personnellement entre les doigts. « Tu comptes me le rendre, ou juste t’amuser et disparaître en faisant ton numéro de passe-passe à deux balles ? »

☾ anesidora

Y’a des gens comme ça qui … te font simplement partir au quart de tour dés que ton regard se pose sur eux. Et évidemment, ce gars-là en fait partie. Pour une fois, tu as tes raisons, de bonnes raisons. Il t’a tout simplement dépouillée. Et tu sais que ça aurait probablement pu être pire, mais quand même, ça te fou les nerfs, parce que tu as une sainte horreur d’être en position de faiblesse, que dés que tu croises ce type, c’est le cas. Il se moque. Il est si calme … tu l’envierais presque. Rester calme en toutes circonstances, pour toi, c’est être fort et clairement, tu es loin de l’être. Il sourit. Il s’amuse de ton agacement, encore, encore et encore. T’en tendue, oui. Forcément. Bon sang. Tu devrais fuir, de toutes façons, même si tu hurles, même si tu ressens l’envie de le frapper, de le faire payer, tu sais au fond que t’as possiblement aucune chance de récupérer ton téléphone. N’empêche que tu pas t’empêcher de rester là, et de le fixer. Jusqu’à ce qu’il vienne plonger son regard dans le tiens.

Tiens … il a les yeux bleus.

Des yeux froids. Comme les tiens. Sauf que les siens sont bien plus clairs. L’espace d’un instant, tu ne vois plus que ça, ses yeux. Tu oublies la rue, les passants. Comme s’il ne restait plus que lui, et toi, et cette pensée provoque en toi un violent frisson d’angoisse. D’ailleurs, lorsque tu réagis, il disparaît. Comme ça. Il se volatilise, pour réapparaître derrière toi, et tu sens ses doigts appuyer contre tes épaules, masser, légèrement. Alors tu soupires. A quoi est-ce qu’il joue, à la fin ? Parce que c’est bien ce qu’il fait, non ? Jouer avec toi.

Il va garder ton téléphone. Juste encore un peu … il en a besoin ? « Pourquoi le mien en particulier ? » Ça t’inquiète. Tu te demandes si ça a vraiment un rapport avec toi. Il pourrait en voler un autre, après tout. Le tiens n’a rien de spécial, c’est juste le tien, justement. Il n’est précieux que pour toi. Tu soupires, et il revient face à toi. Et de nouveau tu le fixes. T’obtiendras rien de lui par la force. En fait, il se peut que tu n’obtiennes rien de lui du tout. « Je suppose que ça sert à rien que je te demande ce que tu comptes faire ? » Tu baisses les yeux. Durant quelques secondes, tu fixes tes pieds, avant de relever la tête. Tu meurs d’envie de poser tout un tas de questions, mais t’as pas envie de le faire fuir. Tu sais maintenant comme il peut disparaître rapidement. Un faux pas, et il s’évapore. Cela dit, il y en a une que tu as quand même envie de poser. « Est-ce que je peux au moins savoir ton prénom ? » Il connait le tiens après tout, non ?

☾ anesidora

Ether … Tiens donc. Comme l’enfant de la nuit et des ténèbres. Plutôt adapté d’une certaine manière, non ? Du moins, pour un type bizarre qui se téléporte comme un fantôme pourrait le faire. Argh. Il est bizarre ce gars. Vraiment bizarre. Et forcement, toi, quand c’est bizarre et bah ça t’intrigue. C’est pas bon ta santé, ça Amy. Pour ta sécurité non plus, sans doute, en réalité, mais bon. C’est pas comme si de base tu étais une fille prudente … Ce serait même plus le contraire. Non, mais sérieusement, regarde le, là, devant toi en train de continuer de te raconter le plus naturellement du monde de gros bobards bien enrobés de sucre tout rose.

Tché.

« Mouais. Ether … » Tu fourres tes mains dans les poches de ton sweat. Oh, tu ne comptes pas essayer de lui reprendre ton téléphone de force. Tu sais bien que tu n’y parviendras pas. Bien pour ça que tu tentes cette méthode qui pourtant, ne te ressemble pas vraiment. Celle qui s’appelle : la diplomatie. Pas certaine que ce soit le truc le plus adapté à un type comme lui, non ? Qui ne tente n’a rien, hein. « Tu m’excuses, mais j’ai du mal à te croire. » Tu plisses les yeux, pour bien faire comprendre que, quand même, faut pas trop te prendre pour une abrutie. Il est simple ton raisonnement. Très simple. « Dans ce cas, tu peux facilement me le rendre et aller en voler un autre à … je sais pas, moi, la nana là-bas, la blonde super friquée. » Un signe de tête, et tu lui désignes cette fille, seule, occupée à lorgner sur la vitrine d’une boutique de fringues hors de prix. Elle a sans doute le tout dernier téléphone sorti en boutique, bien loin du tien, acheté récemment, mais bien loin du haut de gamme et de la haute performance.

« Je te fais pas confiance. » Pas du tout, même. Mais … en réalité, tu as quand même bien compris que tu n’as pas d’autres choix que de patienter. Il ne te dira rien, rien du tout. Qu’il garde ses secrets, après tout. Tant pis. « Début novembre, je l’attends de pied ferme. » Ouais, surtout que tu l’as vue, hein, la fissure sur l’écran. Quel espèce de crétin, sérieusement.

☾ anesidora

Voilà que tu soupires encore une fois. Il se fiche de toi, tu en es pratiquement certaine et ça t’agace au plus haut point, surtout que tu sais que tu ne peux strictement rien y faire. C’est pas ton sale caractère qui va y changer quoi que ce soit, c’est bon, tu l’as compris, qu’il était en supériorité … Rien qu’avec sa tendance à disparaître comme un fantôme en un quart de seconde. Il pouvait fuir. Revenir. Il pouvait jouer avec toi autant qu’il le souhaitait, en somme. « Ouais, si tu le dis. » T’y crois pas une seconde, forcément. C’est pas comme si la parole d’Ether valait quelque chose, n’est-ce pas ? Voleur, manipulateur et probablement grand menteur, aussi. Il avait tout pour lui, ce garçon, dis donc.

Et voilà qu’il s’éloigne. Oh, il va s’en aller, tu le sais. Et vu qu’il a l’air décidé, tu sais aussi que tu ne pourras pas l’en empêcher. Pourquoi faire, de toutes façons ? Tu n’en apprendras pas plus, et surtout, tu ne récupéreras pas ton téléphone. Tu avais plus de chances en attendant début novembre, comme il te l’avait dit. En revanche … ce qu’il te dit avant de réellement partir te fais froid dans le dos. Tu prends le temps de la réflexion. Tu le fixes un instant, jusqu’à ce qu’il disparaisse, totalement, pour de bon cette fois. Pourquoi est-ce qu’il pourrait … ne plus te retrouver ?

☾ anesidora