Tu viens de sortir du boulot. T'allumes un clope. Son rouge étincelant se propage et se mélange aux lueurs des lampadaires et des phares des voitures dans la nuit. Merde. Journée de merde. T'es intense alors ça te prend aux tripes cette connerie.
C'est cette collègue. T'en peux plus, c'est pas ta faute. C'est plutôt la sienne. Avec un peu de mauvaise foi, t'associes tout ce qui plante à cette fille.

Tu tires une première latte.

La fumée remplie tes poumons, pas d'effet instantané, ça viendra d'ici trois ou quatre bouffées. Tu grommelles, tu fais la tête à la lumière des vitrines. Tu fais bien attention à mâcher à l’abri des tuiles des magasins. Quelle conne. Mais quelle idiote cette nana. T'as envie de hurler, de lui hurler tout ce qui ne va pas, tout ce qu'elle fait de travers et à quel point elle t'handicape.

Tu tires une seconde taffe.

T'as envie de l'attraper par les cheveux et de hurler, c'est ça : hurler. T'époumoner plutôt que de retenir tout ce qui ne va pas, toutes ces choses. A quel point elle est stupide et incompétente. T'as envie d'lui taper le crâne sur le bord d'une table, bien au niveau de l'angle.

Troisième.

Tu voudrais lui faire mal, avec tes mots. La blesser, l'ouvrir en deux. Qu'elle descende de son piédestal, qu'elle arrête de se penser mieux que tout le monde alors qu'elle ne fait définitivement rien. T'aimerais que quelqu'un la remette à sa place et lui montre sa bêtise. T'as envie que ça tranche, qu'elle se prenne le revers de la médaille. De l'humilier en publique.

Quatrième.

La tête commence à te tourner. Le tabac te détend, au moins un peu. MAIS PUTAIN ELLE T'ENERVE. T'as qu'un désir c'est de l'insulter, qu'elle se sente minable et que tu la croise plus jamais, qu'elle disparaisse de ta vie, page blanche. Qu'elle soit mise face à ce qu'elle est. Tu verrais bien ta botte sur son visage, ton mégot contre cou.

Contact. Cigarette à terre. Tu te baisses pour la ramasser sans même faire attention à la personne qui est en face de toi.

- Bordel, mais ville de merde... Ville de merde.