Ce n'était pas son genre d'être en retard. Oh, bien sûr, il lui arrivait parfois de dépasser certaines deadlines, de ne pas être très précis sur un horaire. Oui. Mais là, quand il pensait à la pauvre Amy-Lou Morgenstern privée de son cher téléphone portable pendant un mois et quelques jours...

Ok, il rigolait bien.

Parce que c'était quand même vachement drôle, quand on y pensait deux secondes. Mais tout de même... nous étions fin novembre, et c'était maintenant qu'il pensait enfin à rendre visite à la jeune fille. Sourire aux lèvres et air désinvolte au visage, comme à son habitude, même si honnêtement... les cernes violacées commençaient à se peindre sous ses yeux, mine de rien. Ses joues étaient encore plus creusées qu'avant - si cela semblait même possible. Parce qu'il avait trimé, durant ce mois-ci, Ether. Oh oui il avait trimé. Même pas une seconde de repos, et pourtant Dieu sait qu'il n'aime pas prendre son temps.

Mais le temps, ce mois-ci, c'était simple : il ne lui appartenait plus. Ether était un lapin blanc, et il n'avait pas le temps. Il courait à droite et à gauche en paniquant intérieurement - chose qui lui arrivait rarement pourtant.

Et, à force, Amy et son portable lui étaient complètement sortis de la tête. Jusqu'à ce que la silhouette de la jeune fille lui revienne en tête, jusqu'à ce que le téléphone portable lui revienne du néant. Ah, oui. Il devait le lui rendre début novembre. Nous étions le 20, ou le 26, ou le 15, il ne savait plus vraiment. A force, tout ça lui était égal. Il était juste... terriblement en retard.

Alors il s'était présenté à la chambre numéro 204, au deuxième étage du chat noir. En fait, il ne s'était même pas présenté, il s'était plutôt invité dans la chambre de la jeune femme, ignorant totalement la porte fermée de la chambre ; entrant comme un prince dans la chambre étudiante.

Bien le bonjour ! Je viens te rendre ton téléphone portable.

Il allait se prendre une tarte.

Tu t’étais remise à bosser. Un peu, quoi. Tu esquivais tes cours, oui, toi. Ce n’était pas ton genre, mais tu le faisais pourtant depuis des semaines pour des raisons évidentes. Au départ, tu restais juste dans ta chambre à te gaver de cochonneries en regardant des séries et des animés qui ne servait qu’à t’abrutir toujours un peu plus, mais … tu t’étais finalement remise à faire des choses plus intelligentes de tes journées, et de tes soirées. Si tu avais évité le boulot, aussi, surtout celui à la bibliothèque, tu avais fini par y remettre rapidement les pieds histoire d’écumer le rayonnage sur la psychologie. Du coup, tu avais ramené un tas de bouquins, et tu lisais … c’était toujours mieux qu’un écran sur lequel un vampire un peu étrange se pavanait devant un loup que tu trouvais à vomir, le tout pour séduire une nana un peu trop squelettique à ton goût.

Bref.

Tu étais plongée dans ton bouquin, en pyjama, un simple bas à carreaux et un débardeur, assise sur ton lit en tailleur. Tu étais comme ça depuis au moins une heure déjà, totalement absorbée par ta lecture, apaisée par le silence qui régnait dans ta petite chambre. Personne ne venait jamais te déranger. Jamais… Et pourtant. Voilà que soudainement une voix – trop familière à ton goût – résonne dans la pièce. Tu sursautes, évidemment, et par réflexe, voilà que tu balances ton énorme bouquin dans sa direction avant de bondir debout sur ton matelas. « Ether bon sang qu’est-ce que tu fou là ? » Et pis d’abord, comment il était entré, hein ? T’avais fermé la porte avec un tour de clé, comme toujours … Encore un coup de ses supers pouvoirs, à tous les coups. « Tu connais pas le concept des portes ou quoi ? On frappe dessus et on attend. Non ? Ça te dis rien ? »

Bon, finalement il s'était pris un bouquin épais comme son bras dans la tête. Enfin, il avait failli, parce qu'évidemment... Il restait lui-même, pas vrai ? Encore et toujours. Tout ça pour dire qu'il évita le bouquin en ricanant, avançant de quelques pas en l'écoutant avec attention.

Voyons Amy, pour qui tu me prends ? Je sais tout de même comment fonctionne une porte. Je ne suis pas un idiot.

Non, il était juste assez effronté et insolent pour ne pas utiliser les-dites portes. Enfin bref. Il observait la jeune femme, elle avait l'air...
Ouais, bon. Visiblement, ce n'était pas la grande forme.

Tu te souviens pourquoi je viens te voir ?

Malaise. Il a juste un mois de retard, finalement. Enfin, dans une vie, qu'est-ce que c'est, un mois... Le téléphone portable apparaît entre ses doigts, il l'agite vaguement.

Ton téléphone portable. ♡