Le soleil avait déjà commencé à décliner. Encore une journée terminée … une journée qui était, comme toutes les autres, passée à la vitesse de la lumière pour toi. A croire que tu ne faisais que courir, tout le temps, partout. C’était de ta faute, aussi. Tu t’imposais toujours un emploi du temps terrible. Digne d’un ministre, sauf que toi, tu passais tout ton temps libre à bouger, à organiser ta vie, aussi de temps en temps, mais surtout à faire du sport. Courir, souvent. Nager aussi, de temps en temps. Tu adorais nager. Tu trouvais ça agréable, autant qu’utile pour garder la forme que pour conserver de bonnes conditions physiques. C’est comme ça. Tu ne pouvais pas t’empêcher de t’agiter. Et quand tu avais des journées blindées comme aujourd’hui, tu trouvais ça bizarrement revigorant de dépenser tes dernières doses d’énergie dans un sport.

Ce soir, tu étais résolue à nager. C’était compliqué de te trouver un créneau qui correspondait à ton temps à toi, à tes horaires du moins et là, ça matchait alors forcément, tu t’étais juste jetée sur l’occasion pour aller te mouiller, au moins une petite demi-heure. Ça ne pouvait pas faire de mal, pas vrai ? Tu t’étais pressée dés la sortie de ton dernier cours, espérant avoir le champ libre à la piscine et par chance, l’endroit avait eu l’air désert à ton arrivée, si bien que tu avais pris le temps de te changer, puis de rejoindre un bassin. Tu étais grimpée là-haut, sur le plongeoir, par caprice, parce que tu adorais ça. Tu avais toujours été du genre casse-cou, tu n’avais pas peur de l’eau, et tu n’avais non plus peur du vide, si bien que tu avais appris à plonger simplement très jeune. Tu étais à l’aise avec ça, et après un beau plongeon, tu t’attaques finalement à une longueur, avant de t’arrêter et de simplement te laisser porter par la surface calme de l’eau chlorée. Juste un instant, un instant durant lequel tu fermes un peu les yeux, inspirant un grand coup.

Et t’es vraiment bien, là. Ça faisait tellement longtemps que tu ne t’étais pas retrouvée en tête à tête avec toi-même, que t’avais pas pris le temps de plonger, de nager, et de profiter de cette sensation unique que pouvait procurer l’eau quand tu te laissais aller à cette dernière. Tu devais vraiment songer à te dégager du temps pour faire ça plus souvent. Et puis là, tu étais toute seule. Pas un bruit. Toi, la piscine et puis le silence. Un silence reposant. Un silence grâce auquel tu aurais pu largement t’endormir … si seulement il n’avait pas été troublé. Troublé par une voix inconnue. Une voix qui venait de te faire sursauter, en fait. Tu ne t’attendais pas à ce que quelqu’un débarque ici à cette heure, alors finalement, tu t’agites légèrement avant de te stabiliser dans l’eau, et tu essuies maladroitement l’eau sur ton visage, dégageant les mèches de tes cheveux sombres qui te gênent un peu.

Tu prends le temps de l’observer, ce type. Quelques secondes, seulement. Tu le détailles. Tu te demandes si tu le connais, si tu l’as déjà vu, et rapidement tu en viens à la conclusion que non. Tu t’approches du bord, et tu lui souris. Tu souris toujours aux gens. C’est comme ça. « Bonsoir ! Je m’attendais vraiment pas à ce qu’il y ai encore quelqu’un. » Tu te hisses, et tu sors de l’eau, ou plutôt tu poses tes fesses sur le bord, laissant tes jambes bouger sous la surface de l’eau. « Je viens rarement, en fait, mais ça m’arrive. » Nouveau sourire, tu reposes les yeux sur lui. « Moi c’est JJ, et toi ? T’étais venu profiter de la piscine avant d’aller te nourrir toi aussi ? »

Bon, du coup, tu nages déjà plus. Et tu ne profites plus que de l’eau que par tes jambes avec lesquelles tu t’amuses un peu, tout en te concentrant sur ton début de conversation. T’étais sociable, toi. Rencontrer des gens, tu adorais ça, et tu n’avais jamais eu aucun mal ou presque à aller vers les autres. Tu étais bavarde, et du genre intéressée par tout. Alors forcément, normalement, c’était facile d’avoir une conversation avec toi.

Peter. C’était son prénom. Bon, tu ne le connaissais pas… vraiment pas. Tu ne connaissais aucun Peter. Il s’approche un peu, et il vient se poser à côté de toi, sur le bord, il t’offre même un joli sourire tiens. Alors forcément, tu ne peux qu’apprécier. « Oh vraiment ? Quels genres d’études, tu fais quoi ? Nage, plongeon… ? » Bon parler sport avec toi, c’était forcément gagnant, tu t’intéressais à tout ou presque, même si ne pratiquait forcément pas tout, tu t’étais essayée à de nombreuses choses et la natation faisait partie de ces sports que tu aimais particulièrement. Bref, du coup tu comprenais pourquoi il était encore là à cette heure. « Pas étonnant que tu squattes la piscine. Je me donne à fond aussi, et je passe quasiment tout mon temps libre sur le champ de tir à l’arc. » Tu lui offres un nouveau sourire. Quand on disait que tu étais bavarde, hein, c’était franchement pas tes blagues. Mais c’était de sa faute, aussi, il te lançait sur des trucs que t’aimais alors forcément.

Tu te remets à agiter tes jambes sous la surface de l’eau, et puis tu tournes un peu la tête pour l’observer. « Mh, j’étudie ici, mais je fais du tir à l’arc. J’adore la natation, et venir plonger ça me détend, mais j’ai pas forcément le temps alors bon, je venais plutôt rarement jusqu’ici. » Tu soupires légèrement. C’était de ta faute, hein. Avec l’emploi du temps que tu t’imposais à toi-même, ce n’était pas simple de tout gérer. « Mais j’ai franchement bien envie de me dégager plus de temps pour venir faire quelques longueurs de temps en temps. Si ça te dérange pas que je viennes sur ton territoire d’ailleurs. » Tu lui offres un petit regard malicieux accompagné d’un sourire…mais bon, au fond t’es sincère, t’aimerais pas le déranger. T’aurais pas aimé qu’on vienne squatter le champ de tir quand tu t’entraînes alors, tu pouvais comprendre.

Tu parles beaucoup. Peut-être beaucoup trop ? T’en sais rien. Mais visiblement, il écoute, et ça, c’est plutôt sympa de sa part. Même si du coup, tu as l’impression – pas vraiment dérangeante pour toi – de monopoliser la conversation. C’est vrai, quoi, si on compare, t’as à peine entendu le son de sa voix. C’est en partie pour ça que tu te mets à poser des questions, finalement. Le sujet de la piscine pour commencer, parce que clairement ça te parait normal de demander si tu vas possiblement le gêner, l’embêter, si tu décides de venir ici plus souvent. Mais visiblement, non. Du coup, tu lui souris de nouveau, plutôt contente en faite d’avoir le feu vert en quelques sortes. « Ça marche ! Mais seulement si tu promets de me le dire, si un jour je te gène et que tu veux que je parte, tout ça. Tu vois ? Parce que je risque de venir ici plusieurs fois dans la semaine je dirais. » Ouais, tu avais tes bons et tes mauvais jours toi, alors tu supposais que c’était pareil pour tout le monde. Il pouvait dire ça maintenant, et être saoulé pour x ou y raisons dés demain. Tu préférais qu’il te le dise clairement, tu n’étais pas du genre à le prendre mal, vraiment. Bien au contraire.

Tu te remets à jouer avec l’eau de la piscine. Bon sang, ça te démange d’y retourner, mais ce serait vraiment pas poli de partir comme ça. Surtout que mine de rien, tu le trouves mignon. Et mignon, chez toi, ça veut dire vraiment sympa en fait. D’ailleurs, voilà qu’il te propose de plonger avec toi à l’occasion et aussitôt, tes yeux se reposent sur lui. « Oh, c’est vrai ? Ça me ferait plaisir à moi aussi même si … on doit clairement pas avoir le même niveau. » Tu laisses échapper un rire léger. Tu n’as pas peur, certes. Tu plonges avec liberté, avec assurance, mais sérieusement, t’es clairement loin derrière lui, du moins, tu le supposes, ça te parait logique étant donné que c’est son domaine à lui.

Il te le dira. Il sera honnête … il a même promis. Il était pas obligé, pour ça. En vrai, c’est juste ta façon de parler, et il aurait pu très bien ne pas le faire, parce que tu sais bien que pour certaines personnes, les promesses ont quelque chose de sacré. Tu respectes ça. Vraiment. Alors, tu lui souris, et même s’il a légèrement détourné le regard, c’est pas bien grave. Toi t’as quand même capté le joli sourire, très léger mais présent quand même.

Le silence retombe, quelques secondes, un silence tout juste troublé par tes jambes que tu agites doucement sous l’eau, encore et toujours. Ça doit se voir que t’as vraiment envie de retourner nager, bon sang. Tu te sens bien dans l’eau, mine de rien. Ça te détend. Et tu devais en avoir cruellement besoin parce que tu te sens déjà plus légère après un plongeon et quelques minutes à peine dans l’eau tiède de la piscine. Tu relèves doucement la tête, observant le plongeoir tout en écoutant Peter d’une oreille avant de sourire, et de te tourner vers lui, sortant même tes jambes de l’eau. Ok, on dirait qu’il vient de te motiver. « Tu rentrais ? » Tu te redresses, tu te mets à genoux devant lui, sourire aux lèvres. « Je veux dire, t’es pressé de rentrer ? » Finalement tu te redresses doucement, tu te lèves avec précaution mais rapidité. On voit que t’es à l’aise quand même, que t’as un certain équilibre. « J’ai envie d’y retourner, tu veux venir ? Rien qu’un seul ! » On dirait une enfant, là, presque suppliante, mais souriante. C’est que t’adorais la sensation, celle de te jeter dans le vide finalement, ce moment où tu sentais ton cœur se soulever et puis être … comme en apesanteur, pendant quelques secondes à peine avant que ton corps ne fende la surface de l’eau.

Bon, peut-être que tu devrais jouer à ça. Peut-être que tu l’embêtes là. Il a proposé, oui. Mais il avait l’air de rentrer, et c’est vrai qu’il commence à se faire un peu tard. T’aurais compris s’il avait refusé, franchement, parce que tu te connais, t’aime bien rencontrer de nouvelles personnes, et parfois, quand tu te dis que les gens que tu rencontres sont vraiment cools, bah tu peux devenir un peu collante sur les bords. T’es pas un parasite, hein. Quand on ne veut vraiment plus de toi, tu le sens, ça te met mal à l’aise parce que t’es une fille vraiment gentille en vrai, alors tu comprends pas trop quand on te déteste, mais tu acceptes, et tu t’effaces plutôt facilement. Bref. Là … il accepte. Il a pas l’air si pressé que ça de rentrer, alors bon, il se lève et il te suis, et quand tu ralentis, quand tu te remets à sa hauteur et que tu l’observes, il sourit. Un grand sourire. Un beau sourire.

Finalement, c’est lui qui t’entraîne vers l’échelle du plongeoir. Et tu suis docilement, parce qu’après tout, c’est un peu chez lui, ici. Par contre, pour grimper, tu passes en première. Tu montes l’échelle rapidement, sans problème, et puis tu t’avances sur le plongeoir, sans peur, sans appréhension. Tu oses un regard en bas, dans la piscine, avant de te retourner en souriant. T’es au bord de la planche et pourtant, t’es tellement détendue. Tu lui tends ta main, toujours en souriant, pour l’inviter à s’approcher avec toi. Il ne doit pas avoir peur, il a l’habitude, normalement. Tu finis par te tourner à nouveau, tu lui tournes le dos, les yeux perdus dans le vide qui s’étends à tes pieds. « Tu veux y aller en premier ? »

Toi qui voulais juste nager dans ton coin … finalement, c’est bien mieux comme ça. T’es contente d’être tombée sur Peter, ou que Peter soit tombé sur toi, peu importe. Tu n’es pas faite pour la solitude. Tu te sens vivre pleinement que lorsque tu as un peu de compagnie, et celle de Peter est clairement agréable. Tu es toujours très naturelle, très spontanée avec les autres. Parfois, ça ne passe pas, mais visiblement, là ça va. Il sourit, et ça te fais sourire aussi. Il va vers toi. Tu vas vers lui. Le tout sans soucis. On pourrait croire à une attirance, mais il n’en est rien, tu le connais à peine.

Tu relèves la tête, et puis lui accordant un regard, tu finis par lâcher sa main. Tu hoches la tête. Tu iras en première, alors, ça ne te dérange pas plus que ça … quoi que, le fait qu’il précise qu’il pourra te voir parfaitement d’ici te mets un peu de pression. Une pression inhabituelle qui vient s’installer au creux de ton ventre alors tu fixes la surface de l’eau, en bas. Oh, c’est pas grand-chose. C’est juste que t’aime les choses bien faites, surtout dans certains domaines. C’est pas pour rien si tu accordes autant de temps aux entraînements sportifs, t’as toujours pour objectif de te dépasser, de faire toujours mieux, et mine de rien, même si c’est que pour la détente, tu sais que t’es inférieure dans ce domaine. C’est pas le tiens, c’est le sien, c’est tout c’est comme ça. Tu vas manquer de grâce, de technique, de maîtrise. Ce sera sans doute un peu grossier … mais bon. L’important, c’est ce que toi, tu vas ressentir, non ? Tout ça, ça te fait hésiter un court instant, mais finalement, tu sautes. Corps tendu, quelques toutes petites secondes tandis que tu chutes, tu te détends lorsque tu entres dans l’eau, et puis tu nages sous la surface, avant de finalement remonter, de ramener tes cheveux sombres en arrière et de passer une main sur ton visage pour lever les yeux, et observer Peter, sans bouger afin d’éviter à tout prix de le géner.

Tu lèves les yeux, tu observes son plongeon avec attention, avec admiration, aussi, sans doute. Tu es bien capable de faire quoi que ce soit d’aussi impressionnant, d’aussi … beau, aussi. Alors, lorsqu’il refait surface, tu lui offres un sourire ravi, radieux, joyeux. « Tu plaisantes, toi tu l’étais ! » Impressionnée ? Evidemment que tu l’es. Intéressée, aussi, du coup. « Mais merci, c’est gentil. » Tu viens dégager quelques mèches rebelles de ton visage, observant ensuite quelques secondes à peine le plongeoir d’où vous veniez tous les deux de sauter. Finalement, tu soupires légèrement, reposant ton regard sombre sur Peter. « Je sais que c’est peut-être trop demandé mais … tu pourrais m’apprendre ? » Et te voilà un peu gênée, maintenant. Parce que, tu te dis qu’il n’a sans doute pas le temps pour ça, c’est un sportif, et tu connais ça. Toi-même tu manques de temps pour tout, tu es toujours pressée, et puis, tu n’as pas spécialement envie de le déranger plus que ça. « Enfin, seulement si tu as du temps, je voudrais pas t’embêter c’est juste que … tu m’as donné envie, c’est tout. » Tu ne te vexeras même pas s’il dit non, c’est vrai, au contraire. T’es parfaitement capable de comprendre. Vraiment.