La journée était longue, très longue. Mais j'étais une personne sérieuse, une étudiante chevronnée qui savait être à son affaire et souffrir en silence jusqu'à la fin de son cours. Aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours souffert de ces maux mensuels, certains mois plus qu'à d'autres. Il y avait longtemps, toutefois, qu'ils n'avaient atteint pareille intensité. Mal de ventre, mal de tête, légers vertiges. Rien de très sympathique, mais j'avais enduré jusqu'à la fin. J'avais continué de prendre en note les paroles de notre enseignant en serrant simplement les dents, mon bras gauche pressé contre mon ventre comme si cela allait m'aider à réduire la douleur, ne serait-ce que temporairement. Puis, finalement, la fin du cours. C'est lentement et non sans peine que je rangeai mes effets personnels. Plus qu'à quitter le bâtiment des sciences humaines pour me diriger vers les Azalées, là où je pourrais m'enfermer dans ma chambre et souffrir loin des regards.

Et c'est ce que j'avais fait, au début. J'avais quitté le bâtiment, aspirant à pleins poumons l'air frais. Oui, frais. Je fus parcourue d'un frisson qui, honnêtement, était une sensation tout à fait bienvenue. Ça me changeait un peu. C'est également ce qui me permit de récupérer un esprit assez clair pour me souvenir que le campus était muni d'une infirmerie. Si je n'avais aucun désir d'aller m'y reposer, je pourrais au moins demander un anti-douleur ou quelque chose comme ça, pour ma tête comme pour mon ventre. Ça ne m'enchantait pas de faire un détour de ce genre ou de devoir expliquer ma situation, mais la maturité c'était aussi de ne plus éviter d'aller voir le médecin quand on a un problème. D'accepter de recevoir de la médication au lieu d'aller simplement se coucher en se disant qu'une bonne nuit de sommeil règle tout de toute façon. Enfin, ce n'était pas toujours faux, mais si je pouvais m'éviter un peu de souffrance, ce serait sans hésiter. Et c'est donc ainsi que l'on m'accueillit à bras ouverts, qu'on m'offrit les cachets appropriés et... que je m'endormis à l'infirmerie, épuisée comme je l'étais.

Ce fut un long sommeil sans rêves. Lorsque j'ouvris les yeux, le soleil avait déjà commencé à décliner. Je me frottai le côté droit du visage tout en bâillant. La douleur s'était estompée. Certes, mon ventre était encore serré, mais ma tête allait beaucoup mieux. Je levai les bras, étirant ceux-ci ainsi que mon dos avant de finalement quitter le lit que j'avais monopolisé quelques heures. C'est là que je remarquai que je n'étais pas seule dans l'infirmerie. De qui pouvait-il s'agir ?

Je m'étais dirigée vers la sortie, quittant la salle de repos pour mieux être interpellée par un jeune homme au ton énervé. Je fus interloquée, je l'avoue, mettant un petit moment à comprendre pourquoi il était aussi énervé. D'autant plus que sa façon de parler était... pas mal désagréable. Enfin, ça ne m'empêcherait pas d'être polie et de faire de mon mieux pour avoir une discussion sensée. Quelque part il n'avait probablement pas tort.

« Ouais, j'ai l'air d'avoir dormi longtemps. L'aurait fallu qu'on vienne me réveille pour que je quitte plus tôt. »

Et je disais cela autant pour moi que pour l'infirmerie. Occuper un lit juste pour me reposer alors que mon mal allait passer de toute façon, c'était pas top et, quelque part, j'aurais préféré être dans ma chambre plus tôt. Mon propre lit aurait tout aussi bien pu faire le travail, voir mieux vu que j'aurais été dans mes affaires. Ceci étant dit, le jeune homme avait une apparence des plus singulières avec sa coiffure bicolore et son visage... Disons qu'il semblait avoir été la victime d'un malheureux incident qui ne me concernait pas du tout. Par contre, il aurait été surprenant que je ne me souvienne pas de l'avoir déjà vu avant.

« Oh... T'es en psycho aussi, non ? Ils prennent des élèves pour aider à l'infirmerie ? »