T'as pas réfléchi plus d'une seconde.
Quand les lumières se sont éteintes, t'as sursauté, t'as même hurlé un coup sans pouvoir t'en empêcher, puis ce blond est apparu et t'aurais pu croire à une blague de sa part ; parce que c'était Halloween ! Mais l'alarme ne te laissa pas penser ça très longtemps, alors tu as fui sans demander ton reste, en oubliant l'existence du monde autour de toi, la peur au ventre.

Ce n'est qu'à bout de souffle, lorsque tu t'arrêtes pour regarder autour de toi, que tu réalises que tu n'es pas seule. Tu ne sais pas à quel moment, mais tu as agrippé la main de quelqu'un - une fille à première vue, vêtue telle une princesse, et t'en doutes pas un seul instant : c'était la peur qui t'a poussé à t'accrocher à quelqu'un, peu important qui sur le moment.

Je... pardon... ça va ?! euh. euh. uuurgh, c'était pas une blague, pas vrai ? faîtes que ce soit juste une blague, juste une blague, juste une blague...

Tu te répètes dans une prière qui, tu le sais, est vaine. Et ça te semble de plus en plus évident alors que tes yeux scannent où vous êtes. Pas une lumière. Un tas de bruit qui font courir des frissons désagréables le long de ton échine. Cette ambiance, propice à Halloween, t'amène le coeur au bord des lèvres, mais tu parviens au moins à retenir tes larmes, les lèvres pincées.

Qu'est-ce qu'on peut faire...

Tu la regardes se débarrasser de ses chaussures, comme si l'observer allait calmer ton cœur en furie, rendre un peu de sens à cette situation absurde. Chaotique. Mais cela n'y fait rien, et même si tu réalises en l'entendant que c'est un garçon, tu t'en moques. C'est une information qui ne t'est en rien vital. Tes mains s'accrochent à ta robe, serrant le tissu si fort entre tes doigts que tes jointures en blanchissent et ça a beau te faire mal, tu lâches pas. T'es au-delà de la nervosité qui te pousse à te ronger les ongles. Là, t'aurais plutôt envie de t'arracher les cheveux, touffe par touffe.

Le... Le gamin ?

Tu prends quelques secondes avant de te souvenir, du jeune blond qui a tout déclenché, qui a semé la panique avec quelques mots - et ces derniers te reviennent subitement en mémoire, t'arrachant quelques tremblements incontrôlables.

Ce... c'était pas son sang, si ? Oh non, s'il était blessé, quelqu'un l'a aidé ? Je crois que tout le monde a fui... Est-ce qu'on devrait faire marche-arrière ?

Il y a beaucoup trop de questions qui se bousculent dans ta tête, et absolument toutes les idées qui y germent te paraissent mauvaises. Cette situation entière est mauvaise. T'as l'impression qu'une main invisible s'amuse à faire des nœuds avec tes intestins et t'as qu'une envie, c'est de rouler en boule par terre et attendre que la fin du monde passe.

Toutefois, il a raison sur un point plutôt important ; ce n'est pas safe du tout de rester là, même si vous n'avez pas la moindre idée du danger qui rôde, de ce que vous pouvez risquer. Tu regardes tout de même en arrière, sur la route que vous avez emprunté, pensant à ce garçon que vous avez tous abandonné en pensant à vos propres survies. Et la culpabilité, l'inquiétude, tout ça te ronge si fort que tu finis par te retourner.

Tu euh... devrais chercher de l'aide dans les résidences ! Moi je vais.... je vais voir s'il va bien...

Es-tu capable d'aller jusque là-bas ? T'en sais strictement rien, mais tu te dis qu'il n'y avait rien, lorsque vous êtes partis. Vous vous êtes enfuis avant que quoi que ce soit ne se passe. Sûrement avant qu'il n'arrive.

T'es rassurée, quand il te fait savoir qu'il reste avec toi, qu'il soit capable de te protéger ou non. Sa simple présence suffit à alléger un peu la peur qui te dévore l'estomac, l'anxiété qui s'apprête à déborder autant de ta bouche que de tes yeux, et si tu ne lui réponds pas de vive voix, tu acquiesces tout de même vivement.
Avec prudence, vous revenez sur vos pas et, il y a un moment où tu t'arrêtes parce que tu as marché dans une flaque - rien d'incroyable, vraiment, jusqu'à ce que tu baisses les yeux dessus et que la faible luminosité offerte par l'astre de la nuit ne te révèle le rouge sous ta chaussure, éclaboussée sur tes chaussettes en dentelle et le bord de ta robe. Un long frisson d'effroi te parcourt. Tu ne sais pas, si c'est du vrai sang, ou du faux à ce stade. Tu ne sais plus rien.

Vous ne croisez personne, sur le chemin du retour, et ça t'inquiète plus que ça ne te rassure. Où sont-ils passés ? Il n'y a plus personne et plus aucune lumière, ça ne ressemble pas à la réalité. Tu es presque convaincue d'être au beau milieu d'un affreux cauchemar et qu'il te suffit de te réveiller pour mettre fin à ce beau bordel, à cette terreur qui rôde et s'agrippe à toi pour te plonger dans les abysses.

Tu déchantes rapidement dès que vous vous trouvez devant la porte, que vous pensiez fermée jusqu'à ce que vous appuyiez dessus. Oh, bien sûr, t'es ravie de constater que vous n'aurez pas à casser quoi que ce soit et que le trajet se soit fait sans embûche, mais tu vois du mouvement au loin, et ça, c'était pas prévu au programme.
T'as déjà ouvert la porte, et tu vois deux silhouettes un peu plus loin, que t'as bien du mal à reconnaître avec le peu de lumière, mais tu ne penses pas connaître ni l'un ni l'autre. Et ils s'approchent ! T'as entendu l'un d'eux parler, dire "Ciel", mais cette voix, tu ne la reconnais pas, et même si elle se teint d'une jolie couleur dorée, t'es pas rassurée. Tu fais un pas en arrière, puis deux, et tu regardes celui qui t'accompagne, te demandant si vous devez fuir.