Vous êtes proches, tous les deux. Vous vous connaissez, sans vraiment savoir d'où. Ce n'était qu'une sensation étrange, dérangeante presque. Qui, bien sûr, était accompagnée d'émotions que tu ne maîtrisais absolument pas. Malgré tout ça, tu n'étais pas encore certain de ce que tu ressentais pour Obsidian.

C'était terrible, pas vrai ? La sensation d'être de trop. De n'être qu'une gène. Elle te hérissait les cheveux sur la tête (métaphoriquement heureusement, tu imagines le carnage sinon ?) et te donnait la chair de poule. Mais comme à chaque fois, tu finissais par revenir. Encore, et encore. Tu n'étais pas mieux que les étudiantes-groupies qui venaient le voir à chaque fin de cours en piaillant. Tu n'étais pas mieux, parce que toi, tu étais là, serré contre l'encadrement de la porte, les bras croisés, observant leur petit manège en attendant qu'elles te le laissent.

Cette histoire te mettait hors de toi. Parce que tu ne savais pas ce qu'il se passait dans ta tête (y avait des nœuds là-dedans, c'était pas possible autrement) et ça te frustrait. Tu détestais ne pas comprendre. Et par dessus tout, tu détestais sentir ton coeur te serrer à chaque fois que tu te faisais rembarrer - et à chaque fois que tu revenais, encore. Encore. Il y avait un truc qui n'allait pas chez toi, Abrahel. Après... Va savoir quoi.

Vous étiez sous la pluie. Et il faisait noir, noir comme pas possible. Il pleuvait des cordes, aussi. Les lampadaires vous éclairaient faiblement, et tu étais bien content d'avoir ta capuche sur la tête, même si à cet instant, tu t'étais réfugié sous son parapluie, probablement pour pouvoir entendre quand il te disait quelque chose. Ce n'était pas comme si vos conversations étaient intéressantes de toutes façons, vous ne trouviez rien à vous dire la plupart du temps. Vous étiez juste... là. Ensembles. C'était gênant.

Et puis à un moment - pendant une seconde, l'instant d'un battement de cil. Obsidian avait disparu. Tu n'avais pas rêvé. Il était revenu, et il y avait eu le silence le plus long de toute votre vie. Tu le dévisageais en te disant que dormir, ça faisait du bien, parfois. Parce que tu commençais à halluciner.

Obsidian ?

Tu sais bien que ça ne sert à rien de t'accrocher. C'est là le coeur du problème : tu n'as pas envie, mais tu le fais quand même. Déjà, rien que là. Ah, oui. Aie. Ça fait mal, tout ça. Se faire rejeter, ce n'est jamais agréable, et tu n'arrives pas à t'habituer. C'était t'habituer ou bien lâcher l'affaire, simplement. Mais pour le coup, tu n'arrives à rien.

Tu l'observes, plus concentré sur la pluie que sur ses paroles. Comme d'habitude, tu manques d'attention. Pourtant... Tu fais de ton mieux, pas vrai ? Les planètes s'alignent pour qu'il y ait ce sentiment de malaise entre vous constamment. Y a pas moyen, autrement. Tu es prêt à lui dire, maladroitement, mais...

Finalement, tu te décourages, et tu baisses les yeux, tu tournes la tête. Ne reste que la pluie entre vous. Et une sensation amère dont tu ne peux te détacher. Tu soupires.

Rien. Désolé.

De l'art de se sentir inutile, par Abrahel. Les mots te brûlent encore la langue, mais comment lui expliquer ? Oui, excuse moi, tu as disparu pendant un moment alors je me suis inquiété voilà. Non, ça ne marchait pas comme ça... Tu te sentais idiot. Le meilleur à faire, c'était encore de ne rien dire. Parce que tu savais que tu allais encore te faire rembarrer si tu parlais pour ne rien dire. Evidemment... Bon, allez. Prendre son courage à deux mains. Et qu'importe les conséquences.

Tu as... disparu. Pendant un instant

Tu as juste l'impression d'être un immense demeuré. Peut-être que cela vient du fait qu'il te considère comme un demeuré, justement, ou bien qu'il te pousse à te comporter comme tel. Tu ne sais pas vraiment où est niché le noyau du problème, et honnêtement tu n'as pas vraiment envie de le chercher non plus.

Tu ne réponds rien parce que tu n'as pas envie de lui répondre. Il te dégoûte. Enfin, c'est ce que tu essaies de te convaincre. Tu te mords très fort la lèvre, jusqu'à sentir l'odeur du sang. Tu te sens nul. Il te fait te sentir nul. Tu ne sais pas depuis quand Obsidian est devenu la source de tout tes problèmes mais... ça te va.

J'ai déjà laissé tomber.

Oh, comme tu as si vite abandonné. Tu n'as pas envie de te battre, avec Obsidian. Et tu as l'impression que ça a toujours été comme ça, alors que vous ne vous connaissez que depuis, quoi. Quelques semaines ? Quelque chose comme ça. Il te donne l'impression d'être là depuis toujours et ça a le don de t'énerver. Tu soupires, et en sentant ton coeur se briser en petits morceaux, tu retires ton poignet de l'étreinte de ses doigts. Oh.

Tu regrettes instantanément, mais tu te fais violence. Pourquoi ne souffrirait-il pas, lui aussi ? Pourquoi est-ce que c'est toujours à toi de souffrir ?