Est-ce que tu t’étais mise volontairement à esquiver le pavillon shs ? Oui. Clairement. Totalement. Et quoi ? T’avais merdé. Bien merder. T’avais la haine, mais la haine contre toi encore et toujours. T’étais à fleur de peau. Encore plus que d’habitude, parce que oui, c’était possible visiblement. Et puis tu ne pouvais parler de tout ça à personne, c’est tout. Même pas au psy. Surtout pas, d’ailleurs. Tu avais confiance en Dahlia – oui tu t’étais mis à l’appeler par son prénom dans ta tête, il te l’avait demandé après tout – mais il bossait sur le campus. Et tu savais maintenant qu’il connaissait ton professeur. Tu ne pouvais juste pas aller lui parler de ta bêtise. Tu ne le sentais pas. Tu te sentais bien trop ... honteuse. Encore plus, parce que vraiment, ce qui avait commencé si paisiblement, si agréablement, avait rapidement tourner au vinaigre. Ça servait sans doute à rien de ressasser. Vraiment. Et pourtant, tu ne faisais que ça, même si l’autre type bizarre qui était venu te rendre ton sac t’avais assuré que ça allait aller, tu continuais de te faire des reproches. T’avais tellement la rage, au fond. Tu étais en colère oui. Contre toi. Contre le monde entier. Mais plus contre toi, en fait … Idiote, idiote. Ça résonnait dans ta tête quoi. Visiblement, t’aimais bien te torturer, c’était une manie quoi. BREF.

Midi quoi. T’avais eu faim super tôt, et t’avais rien fais de la matinée. Pas cours. Et puis pas envie. Tu n’avais pas pris la peine de prendre tes affaires ce matin, étant donné que bon, t’avais prévu de rien faire. Ton sac était pratiquement vide. Quelques affaires. Ton PC surtout, quelques bricoles à côté aussi, mais il était léger par rapport à d’habitude où t’avais l’impression de balader toute ta chambre. Tu avais été à la cafétéria, un aller-retour rapide. La nana bizarre t’avait filé ton sandwich, ta bouteille d’eau et t’étais ressortie aussitôt pour t’asseoir dans un coin, à l’abri du soleil, sur l’herbe pour manger vite fait. Et puis, ton repas terminé, tu t’étais plongée dans ton téléphone, laissant ton sac reposer à tes pieds … Dix minutes ça avait durer. Dix minutes avant qu’un type ne passe devant toi comme une flèche, attrapant ton sac avant de se barrer en courant. Tu avais vivement relevé la tête, avant de bondir sur tes jambes à ton tour et de le courser en l’insultant et en hurlant des menaces sous les regards interloqués des étudiants qui passaient près de toi. T’étais petite hein. Mais tu courrais vite quand même. Tu l’avais en vue. Tu le gardais dans ton champ de vision. Et puis, finalement, lorsque la vue se dégage, et qu’il n’y a presque plus personne autour, tu t’arrêtes une demi-seconde pour choper un caillou dans un parterre de fleurs … un caillou que tu balances de toutes tes forces en direction du type que tu touches en pleine tête. Ce dernier s’effondre au sol, sans doute surpris, et puis il se relève aussi vite, laissant ton sac par terre, avant de détaler à nouveau tandis que tu t’arrêtes pour récupérer tes affaires en te remettant à gueuler de toutes tes forces. « OUAIS C’EST CA CASSE TOI TÊTE DE NŒUDS OU JE TE REFAIS LA TÊTE EN 2D ILLICO. ‘bruti va. »

Pourquoi fallait toujours qu’on vienne t’emmerder, sérieusement ? C’était quoi le délire ? Une blague, un défi à la con ? Celui qui réussira à faire sortir Amy de ses gonds aujourd’hui ? Comme si ça n’arrivait déjà pas assez souvent comme ça … Comme si t’avais pas le droit à un peu de calme. Y’avait que des cons sur ce campus, putain. Et voilà que tu remets ton sac sur ton épaule, avant de frotter dessus frénétiquement, toujours bien énervée, y retirant la poussière pourtant parfaitement invisible. Tu soupires lourdement quand t’entends ton nom derrière toi. Personne te foutais la paix, quoi. C’était la fête. Et peut-être bien que t’allais déjà te remettre à gueuler, ouais. Sauf que tu la fermes quand tu constates à qui t’as à faire. Encore lui. Le gars qui t’avait ramené ton sac … Tu restes fixée, plantée comme un lampadaire un instant. Puis tu fais quelques pas dans sa direction, avant de t’arrêter à nouveau. « Comme toujours. » Tu parles peut-être un sèchement. Mais ça tu le regrettes aussitôt. Il avait été plutôt … sympa la dernière fois, dans ton souvenir. Genre il t’avais rendu tes affaires. Et puis, il avait pris le temps pour quelques mots rassurants. « Un crétin … il s’est manger un caillou. Il s’est barré. » Tu regardes derrière toi, au cas où. Il a totalement disparu. Avec un peu de chance il agonise dans un coin en se vidant de son sang dans un buisson. Bref.

Tu hausses négligemment les épaules. Et puis tu te remets à marcher, tu le dépasses. Au fond, une part de toi refuses d’avoir une conversation aujourd’hui. Ou même un contact, ne serait-ce que bref. T’as trop les nerfs en ce moment. Ça peut qu’être pire. Pire que d’habitude … t’as bien trop tendance à être désagréable. T’as pas envie de l’être. Et pourtant, tu finis quand même par te retourner, parce que quand même, ça fait des jours que tu te poses la même question. « Au fait … vous bossez ici ? Vous êtes qui au juste ? »

Fallait bien que tu la poses ta question … C’est vrai quoi, ce gars là avait probablement fouiller dans tes affaires persos, pour te retrouver et juste te rendre ton sac, alors, bon. Ça méritait au moins que tu t’intéresses un minimum, et que tu saches qui il est. Un peu tout. Mouais. Mais encore ? Tu fronces légèrement les sourcils. C’est pas agressif, juste que tu t’interroges quoi. Un peu tout quoi, plus exactement ? Il gueule. Ça au moins tu le retiens. Ça te ferait presque plaisir de constater que t’es pas la seule à faire ça aussi souvent qu’il semble le sous-entendre. Du coup…tu fuis plus en fait. Tu voulais juste poser ta question et t’en aller, rappelons-le, mais t’es toujours plantée en train de l’observer. Sans doute parce que des questions, en fait, t’en as pas qu’une et de voir qu’il te réponds franchement, et simplement, c’est encourageant, quoi.

Et puis … voilà que le plus naturellement du monde – du moins t’en as l’impression – il te lance une proposition, comme ça. Il te connait même pas. Et pourtant. Tu restes interdite un instant. Tu bosses déjà à la bibliothèque, mais faut avouer que c’est pas l’extase, quoi. Puis tu bosses pas tant que ça, quelques soirs c’est tout, une heure par ci, une autre par là. Alors tu finis par hausser les épaules, parce que quand même, peu importe ce qu’il fait, ça a plutôt l’air sympa son boulot. « Je sais gueuler sur les gens. » En fait, t’étais même sans doute déjà passer pro dans l’art quoi, donc bon. Ça tu maîtrisais à fond, y’avait pas de soucis. « Et de la poigne … tout le monde à peur de moi au Chat Noir, ça compte ? » Tu fais quelques pas, tu reviens vers lui en ajustant à nouveau ton sac. Plus qu’un réflexe qu’autre chose en vrai. « Faut gueuler sur qui ? » Tu te permets un sourire … léger, mais c’est un sourire quand même parce que t’es curieuse, parce que finalement, ça te tente bien ce genre d’activité.

Il a fait quelques pas vers toi, et tu n’as pas bougé pour autant. Tu poses des questions, mais tu n’en poses pas trop. Disons que tu évites d’aller trop vite, pas pour l’épargner lui, non, mais pour éviter de t’emballer d’un coup et d’en poser trop, bien trop, et peut-être sur les mauvais sujets. Tu te fais prudente avec le temps … à croire que t’en as vraiment marre de faire des gaffes avec les gens, quoi. Tu l’écoutes. Des gens importants, il te dit. Des boîtes vocales aussi. Des gens chiants, quoi. Des gens têtus. Tes préférés. C’était toujours amusant de faire céder une forte tête. Plus que quelqu’un de plus fragile que toi, quoi. « Je vois. » Tu piétines un peu, tu le laisses reprendre ses explications. C’était donc ça, son job. C’était le responsable des bourses. Le type à aller voir si t’avais un souci d’argent. T’en avais entendu parler plusieurs fois. Il avait la réputation d’être diablement efficace, et tu pensais avoir saisi pourquoi maintenant. Tu te remets à sourire. « Ça ressemble fortement à l’intimidation tout ça… » Si ça te dérange ? Pas vraiment. Il ne faisait pas ça pour lui-même, mais pour soutirer un trop plein d’argent à des gens bien trop riches, et tout ça pour filer un coup de main à des étudiants dans ton genre, qui logeaient au chat noir, faute de mieux. Parce que c’était le moins cher, quoi. « Ça me branche ouais ! » Encore une fois, si gueuler et sortir tes regards sombres pouvaient être réellement utile, pourquoi passer à côté ? Mettre à contribution un défaut, c’était travailler dessus, en un sens, non ? Peut-être qu’après une journée, ou même demi-journée à hurler sur un bonhomme ou deux, tu serais moins disposée à le faire en rentrant à la résidence. Qui sait ? « Au fait … vous m’avez pas dit votre nom. Ce serait plus pratique si je dois bosser avec vous. »

Lacerta … Ce prénom, tu l’as déjà entendu. Et pas pour des histoires de bourses, non. C’est Monsieur Lurantis qui l’avait prononcé, le jour de votre rencontre, au moment même où il avait eu l’idée de cogner contre le distributeur, dans le couloir. Tu ne peux donc pas t’empêcher de pencher la tête sur le côté. Cet homme, c’était aussi celui qui t’avais ramené ton sac, tout en soutenant ton prof, carrément pas en forme. Tu t’en souviens parfaitement évidemment. Faut dire que chaque moment de cette journée te revient régulièrement en tête, et qu’évidemment, tu ne peux pas t’empêcher d’analyser. Ses gestes. Ses paroles. Son attitude. Tout. Absolument tout. « Lacerta… » Tu répètes. Plus pour toi-même qu’autre chose, mais bon. Disons que t’es en train de réfléchir en même temps. Du moins, jusqu’à ce qu’il t’approche pour venir te coller une grande tape dans le dos. Il t’aime bien. Bah ça alors. Il est vraiment pas normal, ce gars. « Merci. Je crois ? » T’en sais rien. Peut-être quoi. Toujours est-il qu’heureusement que t’es plutôt du genre résistante pour ton poids et ta taille. T’as quand même fait un pas en avant sous l’effet de la tape non douloureuse, cela dit.

Bon. Tu venais visiblement de te trouver un second job. C’était cool. Plus d’argent, quoi. Ça ne se refusait pas. Mais t’as autre chose en tête. Alors, tu recules légèrement, et tu viens poser tes fesses sur le petit muret, non loin, avant de te mettre à fixer le sol. « Dîtes, Lacerta … je peux vous appeler par votre prénom au moins ? » … De toute façon, c’est tout ce qu’il t’avait donné. Alors tu supposais que oui. C’était logique, quoi. Tu soupires, avant de finalement relever les yeux vers lui. Tu le fixes. « Comment il va ? Monsieur Lurantis, je veux dire. Est-ce que … ça va mieux ? » Tiens, voilà que t’osais aborder le sujet …

Un haussement d’épaules. C’est vrai ça. Elle était stupide ta question. Mais bon, t’es pas du genre à accepter d’entendre que ce que tu dis est possiblement un peu con. Alors immédiatement, tu ressens le besoin de renchérir. Ou de corriger. Tu sais pas trop. « Machin, ou truc. Au choix ? » Tu souris. Un sourire taquin. Tu plaisantes quoi. Tu te serais jamais permise de l’appeler « machin » évidemment. M’enfin. Ton sourire, il s’efface vachement vite. Tu étends tes jambes devant toi. T’as pas pu t’empêcher d’aborder le sujet, forcément, fallait s’y attendre, hein. En fait, tu regrettes presque aussitôt d’avoir céder, céder si rapidement. Tu ne te serais pas étonnée, encore moins vexée s’il avait juste refusé de te répondre. Après tout … tu l’avais bien mérité. Et pourtant, il répond bel et bien. Tu remarques que son expression à changer, cependant et tu viens te mordre l’intérieur de la joue. Il va mieux. Mieux que la dernière fois, quoi. Ouais. Difficile de faire pire, de toute façon tu supposes. « Cool. » C’est tout ce qui veut bien sortir de ta bouche. Réaction bizarre sans doute, mais le fait est que t’es pas super motivée à continuer sur cette voie. T’as pas spécialement envie de continuer sur le sujet, surtout qu’il te semble que le sujet ne semble pas le mettre à l’aise. Il est sympa. Tu l’aimes bien. T’as pas envie de l’ennuyer. « Enfin tant mieux, quoi. » Voilà, voilà. Tu soupires quand même lourdement. T’aimerais bien savoir ce qui lui a pris. Pourquoi il a réagi comme ça. Mais bon … peut-être que c’est à l’intéressé que tu dois demander ça. Surtout que tu te sens pas de raconter tout ça à quelqu’un que tu connais pas forcément quoi.

Lacerta il a vite retrouver le sourire. Même que maintenant, il te tend une barre chocolatée. Toi, t’es maigre ? Mieux. T’es pâle ? « Ah bon … vous trouvez ? » T’es … normale, pourtant ? Bon c’est vrai que t’es petite et pas très épaisse. Une poupée de chiffon, en somme. Toute légère. Mais avec ton caractère, tu supposes que ça compense. M’enfin. « J’ai une sainte horreur du chocolat … » Tu grimaces et puis finalement, tu te redresses. « Vous voulez qu’on aille prendre un dessert ? Fin’ … si vous avez encore du temps à perdre. Je veux m’acheter une tartelette au citron. »

Au moins, il ne l’a pas mal pris, hein. Fallait dire que tu parlais parfois sans filtres, et que certaines personnes avaient tendance à ne pas trop apprécier ça. Tu t’en foutais, la plupart du temps, mais encore une fois Lacerta était sympa, et en plus, il venait de t’offrir un boulot plutôt cool. Tu t’en serais voulu de le vexer, ou même de l’affecter avec ta mauvaise humeur du moment.

Tu refuses la barre chocolatée. Tu avais toujours eu horreur de ça, le chocolat. Peu importe la forme, ça ne passait pas. C’était comme ça. Du coup, tu proposes quand même un dessert, histoire de compenser. Il voulait que tu manges, non ? Ça tombait bien, t’avais envie de manger. Et de manger un truc sucré de préférence. « Ouep, j’en suis la preuve vivante. » Tu souris. T’étais de ces gens bizarres, oui. Le genre à qui on ne peut pas juste offrir une boîte de chocolats à Noël sinon, ils partaient à la poubelle directement. Ou alors ils restaient pendant un an sur ton bureau, par politesse quoi. Mais l’issue était la même, au final. Finalement, il se lève à son tour et vient te tendre le bras, un bras auquel tu viens presque aussitôt t’accrocher pour te laisse entraîner en direction de la cafétéria qui maintenant devait commencer à désemplir un peu. Tu grimaces légèrement lorsqu’il évoque les fraises … « Mh … je préfère le citron. Mais les fraises, pourquoi pas ? » Bon c’était clairement pas ton fruit préféré, mais ça se mangeait quoi. « Celles aux noix sont bonnes aussi ! Hyper caloriques, mais c’est une tuerie. » Tu hoches la tête, avant de sourire de nouveau. « Je vous en offre une si y’en a encore ! Vous aimez le caramel au moins ? »

Il aime les tartelettes aux noix ! Tu adores les tartelettes aux noix. Celles qui dégoulinent littéralement de bon caramel. Celles qui te font probablement prendre trois kilos par bouchées mais qui sont … si bonnes en fait, qu’elles sont capables de te remonter un peu le moral quand les choses vont un peu mal. Franchement, t’es contente d’être tombée sur lui. Il te plait bien, dans un sens strictement amical en revanche, voir totalement professionnel, hein. Bref. Il est cool. T’aimes bien sa façon d’être. T’aimes aussi sa façon de parler, et sa façon de s’adresser à toi. Il est tellement naturel, que ça te fait du bien au moral. Ça te fait sourire, et vraiment, ça fait un bien fou. Tu pourrais le remercier mille fois pour ça.

Il te tire un peu plus dans l’allée, il accélère le pas et tu te mets à trottiner derrière lui, toujours accrochée à son bras. « Déjà ? » Tu lèves la tête, histoire de tenter de voir l’heure sur l’immense horloge du campus…mais sans succès. Du coup, tu te reconcentres sur le chemin, histoire ne pas trébucher, un truc dans le genre, manquerait plus que ça, tiens. « Amy ! » Le Mademoiselle Morgenstern, ça va cinq minutes, hein. Surtout si tu devais travailler avec lui. C’était comme Dahlia, quoi. Tu préférais que les gens que tu côtoyais souvent t’appellent par ton prénom. « Et juste Amy, le reste on s’en fiche. » Tu lui offres un sourire, et puis finalement c’est toi qui accélères et qui passe devant, tu tires sur son bras pour l’entraîner à ta suite et tu te faufiles dans la cafétéria déjà déserte. C’est rare de te voir comme ça, si … joyeuse. D’ailleurs, c’était pas ça ces derniers jours alors bon. Quelques minutes de sourires, c’était plutôt cool. « Y’en a plus qu’une ! Par contre y’a vos trucs à la fraise là. » Tu pointes du doigt la vitrine qui contiens les tartelettes colorées, lorgnant déjà sur celles au citron.

Tu as le regard fixé sur la vitrine. Tu examines ce qui reste et mine de rien, pour une fin de service, c’est plutôt pas mal. Tu te serais imaginer que tout serait totalement vide alors bon … au moins, il y a encore des pâtisseries et ça, c’est cool parce que maintenant, t’en as cruellement envie. Cependant, bien vite, tes yeux se reposent sur Lacerta, et un sourire s’installe au coin de tes lèvres. Une seule et unique tarte aux noix, et c’est toi qui lui en avais parler et rien qu’à l’observer, comme ça, malgré tous ses efforts pour possiblement le cacher, tu le sentais un peu déçu. Et pourtant, malgré tout, il te proposait quand même de la prendre, la tarte aux noix. Tu agites la tête, lentement, de droite à gauche tout en reculant d’un pas. Tu les connaissais par cœur ces tartes, tu les aimais, oui. Mais c’est pas ce qui te faisais le plus envie, là, actuellement. Hé, tu restais une fille. Et une fille, c’était souvent super capricieuse. « Non moi je veux celle au citron. » Et cette fois, tu fais oui de la tête avant de sourire plus franchement. « Elle est pour vous celle aux noix ! »

Tu finis par pencher la tête pour lancer un regard à la fille qui attends pas trop loin. Elle semble hésiter, tu sais pas pourquoi, et en vérité tu t’en fou. Le temps qu’elle se décide, tu reposes les yeux sur Lacerta, puis tu regardes l’heure sur la pendule près de la sortie de la cafétéria. « Vous retournez bosser bientôt, je suppose ? » Tu te remets alors à fixer la vitrine, sans forcément vraiment regarder les pâtisseries qu’elle contient. « Ça vous dérange si je squatte avec vous encore un moment … ? » Tiens, voilà que tu n’avais plus envie d’être seule. Du moins, pas là, maintenant. Disons que t’avais juste envie de continuer à discuter de façon futile encore quelques instants.

Tu le laisses commander les petites tartes, tu ne protestes même pas, tu supposes que maintenant que t’as accepté de bosser avec lui, t’auras bien l’occasion de lui en rapporter une ou deux uns de ces jours, directement à son bureau. C’est que partie remise, disons. Et puis tu veux pas le froisser, ou autre, en te montrant trop insistante. Tu te contentes d’observer la jeune femme, tandis qu’elle attrape les tartes dans la vitrine avec précaution, et qu’elle vient les placer dans un petit carton prévu pour ça, avant de le refermer avec un petit bout d’adhésif. Elle dépose ensuite le tout sur le comptoir, s’occupant de prendre la carte de Lacerta pour la transaction.

« Mh … ça m’arrive. » Bon, en vérité, t’avais pas des semaines ultra chargées non plus. Un gros jour, à tout casser dans la semaine. Mais évidemment, comme tes semaines étaient parsemées de cours de Criminologie, elles étaient quand même vachement légères. « Y’a un de mes profs qui a la flemme. » Bizarrement, tu ne peux pas t’empêcher de sourire. Il était quand même particulier celui-là, à sécher ses cours alors qu’il n’était pas étudiant … mais prof. Enfin bon. C’était pas la peine de te mettre à repenser au sujet qui ne manquait pas te mettre d’humeur massacrante ces derniers temps.

M’enfin, la bonne nouvelle, c’est que ça semble pas le déranger, Lacerta, que t’ai envie de le coller un peu. Il ressort, prends la direction de la présidence visiblement, et tu lui emboîtes le pas, en silence dans un premier temps. « J’ai jamais foutu les pieds dans ce bâtiment j’crois… » Ouais, les bâtiments administratifs trop sérieux comme ça, ça t’angoisse. « D’ailleurs … pourquoi moi ? » Tiens c’est vrai ça. Il te connaissais pas tant que ça, après tout, il aurait pu faire sa proposition à n’importe qui, sans doute quelqu’un de plus sérieux que toi, et de moins … spécial, on va dire. Mais non. « Qu’est-ce qui vous fais penser que je suis capable de faire ce boulot ? »

Bonne question … et pourtant, sur le moment, il ne te semble pas plus pressé que ça de te répondre. En plus, ton nom est revenu sur le tapis, mais, il semble s’en rendre compte rapidement, du coup, tu restes silencieuse. Tu ne dis rien. C’est l’habitude, tu vas pas le reprendre à chaque fois, quand même. C’est comme avec Dahlia, tu pourrais pas lui en vouloir s’il continuait de te servir du « Mademoiselle Morgenstern » ou même ce « Amy-Lou » que tu supportes mal.

Il te tient la porte, à la présidence, et tu te faufiles à l’intérieur du bâtiment, croisant les bras sur ta poitrine, légèrement mal à l’aise ici, au milieu de ces bureaux et de ces gens relativement … important au sein de la fac. « A l’œil ? Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? » … Tu poses la question, mais subitement, tu te rappelles la fois où Lacerta à débarqué devant la porte de ta chambre. Sur le moment, t’avais cru qu’il allait te prendre la tête mais finalement, pas du tout. « Et puis, de quel potentiel vous parlez en plus ? » Bon, bah, il t’avait rendue curieuse, maintenant. Plus qu’à espérer qu’il assume, quoi, et que ça ne finisse pas par l’agacer trop vite.

Finalement, il ouvre la porte d’un bureau, t’invites à y entrer et après une toute petite seconde d’hésitation, tu lui passes devant, pénétrant dans la pièce. C’est … tellement différent de tout ce que tu aurais pu imaginer. Très personnel, en réalité. Des dessins, des photos sur le bureau, surtout des enfants, des petits bibelots, des papiers partout, tu ne peux t’empêcher de faire quelques pas, d’observer les photos, surtout. Certains visages semblent revenir régulièrement … « C’est … votre famille ? » Tu ne l’imagines pas du tout avoir des enfants, bizarrement, mais à en juger par la décoration – si on peut appeler ça comme ça – de cette pièce, Lacerta semble en côtoyer, ou en avoir côtoyé. « Mignon… » Tu soupires légèrement, avant de quitter les photos des yeux pour reposer ton regard sur Lacerta.

A l’œil. Mais à l’œil pour quoi, exactement ? Tu te la poses sérieusement, cette question. Et tu la lui poses aussi très sérieusement d’ailleurs. Pourtant, rien. Lacerta reste silencieux, il élude la question, il ignore royalement l’interrogation, et tandis que tu fais le tour du bureau, pratiquement totalement silencieuse, il pose ses affaires, avant d’aller chercher une cafetière et de préparer un peu de café. L’odeur, si familière, si apaisante vient aussitôt embaumer la pièce, chatouiller tes narines. Tu soupires. Tu n’insistes pas vraiment, même si ça t’intrigue, tu te fais violence pour faire preuve de patience. Tu changes même de sujet pour en venir à parler des photos qui parsèment le bureau … Encore une fois, sa réponse est vague, mais ça, ça ne fait que te faire hausser les épaules. Après tout, c’est personnel, et il a bien le droit d’avoir ses secrets. Ça ne te regarde pas.

Quittant la décoration des yeux, tu viens finalement attraper une tasse de café dans laquelle tu ajoutes pas mal de sucre. Le goût du café, ce n’est pas ce que tu préfères. D’ailleurs, tu ne le bois même pas directement, tu te contentes de venir souffler sur la tasse, tout en respirant l’odeur de cette dernière. Lorsque tes yeux se reposent sur Lacerta, il te désigne une photo du bout du doigt et tu fais le tour pour le rejoindre et observer ce petit garçon, pas vraiment souriant, qui se trouve sur la photo. Ariel. Il te faut tout de même quelques secondes pour faire le lien. C’est vrai… c’est pas comme si tu appelais ton professeur de criminologie par son prénom. Tu sais que c’est le sien, juste parce que c’est indiqué sur ton emploi du temps. Ariel Lurantis. Tu t’es subitement crispée. Si bien que tes deux mains sont maintenant accrochées à la tasse bouillante, tandis que tu continues de fixer encore et encore cette photo. Une vieille photo. Mais c’est vrai que maintenant que tu l’observes, tu remarques ses yeux. Son regard. Et tu finis par soupirer. Par reculer. Par quitter cette photo des yeux … Tu voulais penser à autre chose. Vraiment. Et tu avais réussi, pendant un moment. Pourquoi il avait fallu que Lacerta te montre cette photo, à la fin ? Pourquoi celle-là en particulier d’abord ? Merde. Tu poses la tasse de café sur le bureau, avant de poser tes fesses dans un siège, devant le bureau. « Pourquoi vous me montrez ça ? » Tu baisses les yeux, tu te mets à fixer tes pieds, tout en triturant tes doigts. « Vous me parlez de lui, mais … je suis presque certaine que vous allez encore éluder mes questions. » Tu soupires lourdement. Franchement, c’était quoi cette situation à la con, encore, Amy ? « J’ai juste été … stupide, vous voyez ? »

Tu ne sais pas trop ce que tu ressens, à l’heure actuelle. Peut-être que tu te sens de nouveau en colère … ouais, c’est même plutôt possible. Mais une colère différente de celle de d’habitude. Celle là ne te donne pas l’envie irrépressible de hurler à t’en déchirer les cordes vocales. Bien au contraire. Elle te donne envie de te cacher, de pleurer, aussi, peut-être. Mais tu n’en feras rien, évidemment. Tu ne lâcheras pas une larme devant Lacerta, parce que tu ne pleurs jamais devant personne, exceptée Ava.

Tu souffles. Tu soupires. Un très lourd soupire. C’est pas si simple de te confier à un inconnu, mais en même temps, il t’ouvre quand même une porte pour avoir des réponses à certaines de tes questions. Et, tu en as pas mal, des questions. C’est vrai. Tu aimerais comprendre tant de choses … C’est vrai, tu n’avais fait que l’embrasser. Tu aurais pu t’attendre à être repoussée, violemment, ou pas. A prendre une leçon de morale, aussi. Après tout, ça reste ton professeur, et tu restes son élève. « C’est quoi, son problème, exactement ? » Oh. Peut-être un peu trop directe, mais, c’est la question qui te brûle les lèvres depuis des jours et des jours, et franchement, t’y peux rien. « Qu’est-ce qui a fait qu’il se mette … dans cet état-là ? » Et puis à qui il parlait, ce jour-là ? Tu t’en souviens … de ses supplications … parce que ça t’avais pratiquement briser le cœur, et parce que tu t’étais sentie affreusement coupable en voyant ça. « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »

hrp :: j'ai demandé le palier !