T’étais franchement pas sûre de toi. Sérieusement, tu commençais à te demander ce qui t’avais pris d’accepter ce boulot. Oh, Lacerta était toujours très cool. Ça n’avait pas changé de ce côté. Mais clairement, poser tes fesses à la présidence, c’était tout autre chose de vagabonder parmi les rayonnages de la bibliothèque. C’était fou, comme y’avait toujours du monde ici. Comme d’apparence, ça paraissait hyper sérieux, hyper carré, alors que quand on y était réellement, on se rendait compte à quel point c’était le bordel dans le coin. Y’avait de tout. Tantôt ça hurlait, et personne ne savait pourquoi. Tantôt, y’avait ce silence, plutôt pesant – mais ça, c’était juste quand Lacerta était occupé, ou ailleurs, parce que bon sang, ce type ne connaissait pas le silence en vrai – et limite angoissant uniquement troublé par cette imprimante du siècle dernier qui faisait un bruit impossible. Et puis, y’avait les moments ou subitement, cet endroit se remplissait plus que d’ordinaire. Des élèves qui venaient demander des trucs, ou tout simplement ceux du conseil. Le président du conseil des élèves par exemple. Lou … La … Larti ? Un truc du genre. (Nom super bizarre, d’ailleurs.) Bref. Lui il était là tout le temps. Tu le voyais passer un truc comme vingt fois par jour, peu importe l’heure.

Tu soupires lourdement, t’enfonçant un peu plus dans ton siège tout en écoutant la nana devant toi, elle chouine, elle a des soucis et franchement, c’est sans doute encore le plus dur pour toi ici : être compatissante et patiente. Tu lui offres quand même un sourire. Tu fais des efforts. Disons que t’as même totalement oublier d’appeler Dahlia cette semaine, pour reprendre rendez-vous. Du coup, c’est pas encore ça aujourd’hui, les nerfs. Oh, t’avais bien essayé d’y aller directement, y’a quelque chose comme deux jours, mais bon. Il était pas là, et t’étais tombée sur une fille cheloue, son assistante qu’elle avait dit. Elle t’avait gentiment proposé un rendez-vous, ou même de discuter si t’en avais vraiment besoin mais… sérieux. T’avais refusé, et tu sais pas trop pourquoi, mais tomber sur cette jolie blonde t’avais tout simplement mis la rage. Trop mignonne. Trop souriante. Trop douce. Trop … tout.  Du coup t’étais repartie en claquant la porte, limite. Bref. Tu reposes les yeux sur la rousse, devant toi, et puis tu jettes un œil aux documents qu’elle t’a filé. Elle avait du retard sur son dossier, du coup, elle avait reçu ce courrier qui lui annonçait qu’elle devait quitter sa chambre, et tout. Mais une nouvelle fois, ton regard dévie du sujet, attiré par cette silhouette et ces cheveux blonds. Cette fille, qui passe dans le couloir. Et tu te lèves, sur un coup de sang. Tu attrapes les papiers. « Je vais t’photocopier tout ça, et on va s’occuper d’ton cas quand Lacerta sera revenu, attends-moi. » Et tu sors du bureau dont tu laisses toujours la porte ouverte quand t’es seule – donc pas souvent – tu t’engouffres dans le couloir et lorsque tu la croises la jolie blonde, tu fais en sorte que ton épaule percutes la sienne, tout en prenant l’air totalement innocente et en regardant ailleurs.