Pourquoi, Amy ? Pourquoi fallait-il que tu sois si fragile, en ce moment ? Si lâche.

Tu avais eu l’impression de réussir à faire face … pendant quelques jours. Et puis, il y avait eu cette soirée d’Halloween. Et tes souvenirs flous. Et cette crainte, cette peur, parfois affolante qui refusait de te quitter et que tu n’arrivais pas à identifiée avec précision. Tu te sentais fatiguée, épuisée, si vide, aussi. Tu n’avais plus envie de faire grand-chose. Même tes études, tu les délaissais. Tout était si fade, tout paraissait si terne. Tout était capable de faire couler tes larmes … Un mot. Une phrase. Une voix. De la musique. Tes rêves, tes cauchemars et même carrément le fil de tes pensées. Tu étais passée voir Dahlia, oui. Dahlia était toujours d’un grand secours. Il était parvenu à te calmer, une fois, sans faire grand-chose. Mais là … là c’était loin d’être aussi évident. Du coup, tu avais envoyé un message à Ava. C’était rare. Normalement, c’était elle qui faisait ça. Toi, tu avais toujours eu ce rapport étrange avec les membres de ta famille. Tu conservais toujours cette distance, même si tu aimais ta sœur plus que tout.

Ava, elle était différente. C’est vrai que même si tu avais confiance en Dahlia, même si tu savais que tout restait entre lui, et toi, il y avait des choses dont tu refusais toujours de lui parler ouvertement. Avec ta sœur, tu y étais toujours parvenu. Tu lui avais parler du psychologue quand tu l’avais rencontré à l’infirmerie. Tu lui avais même donné les détails de tes pensées, jusqu’à parler de ses yeux. Et puis, tu lui avais parlé d’Ariel, aussi. De la première fois où tu avais eu l’idée de l’embrasser, tu lui avais dit, ce qui c’était passé. En revanche, tu n’avais pas encore eu le courage de lui raconter l’histoire de tes doigts cassés, et encore moins celle de ces « Je t’aime » échangés, suivis de ces mots qui t’avaient sans nul doute brisé le cœur. Il était sans doute temps, n’est-ce pas ? Il le fallait. Tu en avais besoin. Tu te disais qu’en parler, de vive voix, mettre des mots sur tout ça pourrait t’aider à aller mieux, à faire passer la pilule.

Tu avais envoyé ton message quelques heures auparavant. Ava était souvent chez Neal, ils étaient pratiquement toujours fourrés ensemble, alors tu ne prenais même plus la peine d’aller frapper à la porte de sa chambre. C’était plus simple de l’appeler, ou de la contacter pour qu’elle vienne d’elle-même, et de l’attendre, assise sur ton lit. Tu n’avais même pas pris le temps ou la peine de t’habiller convenablement, pour dire …

Tu ne ressens plus une once de courage. Plus une goutte. Plus une trace. Alors, lorsque tu entends les quelques coups donnés contre ta porte … tu ne bouges pas. Tu n’en as pas la force, ni l’envie. Et pourtant, tu sais que c’est Ava. Tu sais, que c’est toi qui lui as demandée de venir jusqu’ici. Tu te contentes de soupirer. Elle sait qu’elle peut entrer, et tu l’observes, distraitement, du coin de l’œil jusqu’à ce qu’elle s’approche de toi. Pas bien compliqué de comprendre que ça ne va vraiment plus. Surtout pour ta sœur.

Pas un mot. Tu la laisses s’installer tout près de toi. Tu regardes ailleurs, en fait, tu fixes le vide, et tu réagis à peine lorsqu’elle te touche, lorsque ses doigts se mettent à caresser tes mains dans un geste rassurant. Oh, ça fonctionne. Evidemment. Mais c’est comme jeter un seau d’eau sur un incendie gigantesque. Ça aide. Mais ça ne suffit pas. Elle veut savoir. C’est normal. Au fond, si tu l’as faite venir jusqu’à toi, c’est parce que tu ressens le besoin de parler, de vider ton sac, de te confier. Mais … plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas, Amy ? Parler de tes sentiments, de ce que tu ressens, c’est tellement difficile pour toi. Avouer à Ariel que tu l’aimais, ce jour-là, ça avait demandé de gros efforts. Tout ça, pour ça.

« Ava … » Mince. Ta gorge est de nouveau serrée, à tel point que c’est douloureux pour toi de parler. Ça s’entends, dans ta voix. Tu relèves la tête, juste un peu. Tu lèves les yeux vers ta sœur, aussi. Un regard humide, peut-être suppliant. « J’ai mal. J’ai si mal … » Et l’admettre, ça te sert le cœur encore un peu plus. Alors tu te redresses, et tu te jettes littéralement au cou d’Ava, tu la sers contre toi, de toutes tes forces. « Je me sens tellement idiote si tu savais… »

Elle est là, Ava. Avec toi. Elle reste là, elle t’offre ses bras, ses câlins, son attention. Un baiser sur ton front. Quelques caresses apaisantes. Et toi … toi, tu pleurs. Tu pleurs sans doute toutes les larmes de ton corps, encore. Ce qui n’était que des sanglots à la base, se sont transformés en une crise de larme que tu ne peux plus contrôler. C’est douloureux. Stupidement douloureux. Comment est-ce que tu as pu en arriver là ? Tu aurais dû rester loin. Tu aurais du tout arrêter. Tu n’aurais pas du … céder à l’envie de le revoir. Bien sûr que tu étais idiote. Tu ne pouvais pas t’empêcher de le penser, de le dire. Tu agissais comme une idiote.

« J’aurais pas dû … » Pas du le laisser prendre soin de toi. Tu aurais mieux fait de fuir, ce jour-là. Et pourtant, tu te souvenais parfaitement avoir été si soulagée, lorsqu’il t’avait souri. C’est à ça, que tu ne savais pas résister. A ses sourires, à ses regards. Et ça t’avais coûté cher, si cher, cette faiblesse. Tu souffles. Tu inspires, expire. « Je l’ai dit. Je le lui ai dit. Monsieur Lurantis … Ariel … Je lui ai dit que je l’aimais. » Tu ne sais même plus comment tu dois l’appelé, tiens. Tu n’as même plus envie de le nommé, parce que ça fait mal, ça brûle. Ça t’arracherait presque la langue, de prononcer son nom, ou son prénom. T’as tellement envie de le détester. « Il a dit … qu’il ne pouvait pas. Ava … j’aurais dû me taire … j’aurais du tout garder pour moi, c’était si stupide. » Peut-être que ça aurait été plus facile de ne rien dire. Ou de mentir. Tu regrettais. Tu regrettais tellement. Pas tes paroles, parce qu’elles étaient si vraies, non, tu regrettais surtout de t’être confiée, et d’avoir été honnête, finalement. « Je veux … je veux le détester. J’ai envie de le haïr de tout mon cœur et de toute mon âme si tu savais … mais j’y arrive pas. J’y arrive pas, Ava. » Et pourtant, c’est pas faute d’avoir essayé. Fallait que tu continues à l’aimer … malgré tout.

Tu ne pouvais pas savoir. C’est vrai … ou pas. En fait, t’en sais rien. C’est vrai qu’Ariel n’était pas clair sur ce qu’il voulait, pour le coup. C’est lui qui t’avait embrassée. Pas l’inverse. Avec ce qui s’était passé la dernière fois que tu avais tenté, tu n’aurais sans doute pas osé retenter l’expérience. Mais, c’est lui qui t’avait lancé ce regard, lui aussi qui était venu chercher tes lèvres, encore lui qui t’avais posé cette question. A quoi est-ce qu’il s’attendait ? Est-ce que c’était un test ? Peut-être que ça avait été trop rapide. T’en savais rien. Par contre, tu ne pouvais vraiment pas t’empêcher de te dire que c’était peut-être prévisible. T’étais qu’une élève, après tout. Une pauvre gamine sans expérience, une gosse qui avait tout apprendre et lui … Lui, c’était un homme. C’est tout.

Elle a raison, Ava. C’est vrai, si tu avais réellement envie d’en rester là avec toute cette histoire, de penser à autre chose, le mieux, c’était de mettre tout de côté et de passer autre chose. Ne plus y penser. Tu n’étais pas perdue, hein. Au pire, tu partais en psychologie. Même si tu aurais du retard, tu pouvais toujours demander à Dahlia. C’était si simple dit comme ça. Ça paraissait faisable et pourtant, au fond, tu savais que ça ne l’était pas. Tu ne pouvais pas le détester, encore moins cesser de lui donner importance. Alors tu te redresses. Et rageusement, tu viens essuyer une partie des larmes qui inondent ton visage. « Je sais que tu as probablement raison … » En fait, c’était probablement la décision la plus sage, et la plus intelligente. Parce que, avec ce qu’il t’avait dit … attends. « Mais … il a dit des trucs bizarres. » Ça n’avait pas de sens. C’est vrai. Maintenant que tu y pensais, c’était ridicule, et tu avais du mal à imaginer Ariel faire une chose pareille, comme ça, sans raison. C’était trop difficile pour toi de te dire que peut-être, il s’était joué de toi. « Il a dit … qu’il avait pas le droit de faire ça. T’y comprends un truc toi ? Juste après avoir dit qu’il … qu’il m’aimait. » … Pourquoi il se serait fatigué à le dire, si c’était pas vrai ? Oh, bon sang. T’étais en train de lui chercher des excuses, hein ?