T’es invisible. Tu l’es toujours, et ça ne te dérange pas plus que ça. On vient, on s’adresse à toi, et pourtant on ne pose jamais vraiment les yeux sur toi, ou alors si brièvement. Toi, tu es plutôt à l’aise dans ta solitude. Observer ceux qui ne semble pas vouloir te voir, c’est une preuve de ta supériorité sur eux, et évidemment, ça te plait. C’est ton service préféré, celui du midi. Bien plus intéressant que celui de la matinée, ou de l’après-midi. Plus de monde. Un troupeau, comme des animaux. Ils se pressent tous pour manger … c’est plus une envie qu’un besoin pour certains, d’ailleurs. Toi, tu as l’habitude de te comparer au prédateur. Celui qui guette, qui attends celui qui s’éloignera, se démarquera de façon fatale. Bref. C’est pas vraiment encore pour aujourd’hui, hein … non. Ton service s’achève déjà. Il marque le début de la phase super fun du débarrassage, puis du nettoyage. Et c’est précisément dés le début de ces phases atrocement barbantes que tu le remarques … ce truc. Ce gars plutôt. Etalé comme une loque. Visiblement ko, ou endormi, ou peut-être même mort, tiens. T’en sais rien. Il bouge vraiment pas. Et tu regardes à droite, puis à gauche, comme un vieux réflexe, avant de venir cogner sa jambe avec ton pied, tout doucement, timidement. « Dîtes le si vous êtes mort … parce que je dois appeler la police si c’est le cas, c’est le règlement. »