Inspiration. Expiration.
Tu n’avais pas le droit de te plaindre, aujourd’hui, Velvet, parce qu’étrangement, la journée avait été bonne. Tu sais, ça avait été l’une de ces journées si rares, si tranquilles, si agréables. Tu avais passée ta matinée en cours, et une grande partie de ton après-midi à la cafétéria pour bosser et rattraper les heures que tu avais perdues à cause de la perte de tes clés, la dernière fois. Tu aurais pensé que travailler plus que d’ordinaire allait vite t’agacer, voir t’énerver mais finalement non. Au contraire. La journée avait été calme. Moins de monde que d’habitude, et personne n’avait fait la moindre histoire. Le bonus ? C’était toutes les pâtisseries, viennoiseries, et sandwichs préparés pour la journée qui finalement étaient restées dans la vitrine … des invendus qui ne le seraient jamais et qui généralement finissaient par être partagés entre les employés. Aujourd’hui ? Il n’y avait que toi. Certaines pâtisseries avaient été gracieusement données à tu ne savais pas trop qui, à la présidence, quelques viennoiseries données au conseil des élèves et le reste simplement partagé entre toi et ton supérieur. Résultat ? Alors que tu quittais la cafétéria, tu avais dans les bras un carton relativement bien rempli de tout un tas de nourriture.

Il était encore tôt … à peine dix-neuf heures, et ta journée était enfin finie. Tu avais tout ton temps, maintenant. Tout le temps de rentrer chez toi pour dévorer quelques gourmandises devant un film, une série, peu importe, t’avais pas encore décidé. En revanche, tu étais déjà en train d’y réfléchir tout en traversant l’allée, juste devant la cafétéria. Puis quelle idée t’avais eu, aussi, de venir à pieds ce matin. Ton carton, il était pas lourd hein, mais qu’est-ce qu’il était encombrant, si encombrant qu’au bout de quelques minutes à peine tu finis par cogner quelqu’un avec … heureusement, c’est léger, mais ça te fais soupirer, parce que, ça va devoir t’arracher des excuses ça.

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Tant bien que mal, tu décales un peu le carton de ton champ de vision, avant de pencher la tête sur le côté, et même de te tourner légèrement pour voir qui tu viens de bousculer. Pas facile tous les jours d’être aussi petite, bon sang. T’es presque soulagée de constater qu’en fait … c’est Raven. Il est planté là, et il retire un des écouteurs de ses oreilles pour te saluer. Tu esquisses un sourire. Franchement, ce type il est bizarre. Mais il est tellement bizarre qu’une part de toi l’apprécie beaucoup. Il t’intrigue. Quand il pose les yeux sur toi, t’as toujours l’impression qu’il te jauge, qu’il t’évalue, qu’il t’analyse même. Et ça, c’est aussi flippant qu’excitant. « Désolée pour le coup de carton. » Tu réajustes ta prise sur l’arme du crime – oui le carton – avant de finalement le déposer au sol, déjà au bout de ta vie, tiens. Quelle idée, bon sang. En plus, t’allais jamais pouvoir manger tout ça. Y’en avait pour une famille entière là-dedans. Une famille nombreuse. « J’y vois rien avec ce truc énorme. » Tu fais craquer certaines de tes phalanges, poussant un peu le carton du pied, avant de reposer ton regard bicolore sur Raven. « Ça va ? T’as l’air … contrarié. » Ah bah oui, il venait de prendre un coup de carton. D’ailleurs, t’étais vachement bavarde aujourd’hui, tiens. La bonne humeur, ça. Chelou.

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Bon, bah il va bien. Tant mieux, disons que tu n’étais pas d’humeur à tuer quelqu’un aujourd’hui, surtout de manière aussi ridicule. Et puis, Raven faisait partie de ces rares personnes qui avaient un truc, selon toi. Un truc qui t’empêchait d’avoir envie de leur planter un couteau dans la carotide. Tu ne savais pas si tu l’aimais bien, c’était peut-être trop fort que de prétendre une telle chose étant donné le mal que tu avais pour réellement t’attacher à un autre être humain mais … ouais. Il avait quelque chose, quelque chose dans le regard surtout. Et puis dans son attitude. Tu ne sais pas trop, il est distant avec toi, et à la fois, et bah tant que ça, finalement. La preuve encore en cet instant, alors qu’il semble ne pas trop vouloir s’attarder au niveau discussions et échanges de banalités ; mais qu’il prend tout de même la peine de ramasser le carton qui traîne à tes pieds, et même de t’offrir un sourire.

Tu plisses légèrement les yeux. Tu as un instant d’hésitation, tout simplement parce qu’il t’a prise de court. « T’es pas obligé de faire ça, tu sais. » De toutes façons, personne n’est jamais réellement sympa avec toi. Et puis, ça te va très bien, tu t’en fiches, tu ne t’en plains pas. Mais bon … « En plus, j’habite pas dans les résidences. » Encore heureux, tiens. « J’ai un appart’ en ville, c’est pas très loin mais … bouleverse pas tes plans pour ça. »

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Quels plans ? D’accord. Visiblement, il n’avait pas de plans ? Pas de projets, pas de trucs à faire quoi … Tant mieux. Sans doute. Au moins, tu ne l’avais retardé. Oh, normalement, ce n’était pas des choses dont tu te souciais. Tu pouvais bien mettre les gens en retard, ou même leur faire manquer un cours, ou un truc important, c’était jamais ton problème et ça ne t’empêchais jamais de fermer l’œil. Mais quand même, là, c’était Raven. Il avait été sympa, avec toi, la dernière fois, et du coup, il méritait quand même de la considération, du moins, tu le pensais.

Tu hausses les épaules. Tu ne vas tout de même refuser de façon catégorique qu’il t’aide, ou même qu’il t’accompagne, du coup. Bon, normalement, tu n’étais pas fan de savoir qu’une personne allait te suivre jusque ton repère, comme tu aimais l’appeler, mais … c’était pas si grave, si ? « Comme tu veux, alors. » Tu te serais débrouillée. Mais tant qu’à faire. Ça t’évitait de porter ça toi-même, quoi. Surtout qu’il devait être plus fort que toi … c’était pas compliqué, d’être plus fort physiquement que toi, de toutes façons.

Tu te remets à marcher, finalement. Lentement, mais surement. T’es pas si loin de la fac. A deux rues, même pas, en fait. Le truc, c’est que maintenant que tu marches à côté de Raven … tu te rends compte que tu n’as probablement aucune conversation. Trop habituée à être seule, tout le temps. « Je suis contente de te revoir. » Oui alors … d’accord ? On suppose que t’as tenté d’être gentille, là. On suppose…

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Tiens, tu l’as capté, le sourire. Alors, c’est bizarre parce que concrètement, tu ne t’attendais pas du tout à ça mais … mais ça te fait sourire, toi aussi. Décidément, c’est la journée, hein. T’arracher un sourire, c’est plutôt pas une mince affaire. Et bizarrement, tu te dis que le faire sourire, lui, ce n’est pas si simple non plus, si ? T’en sais rien. Il a un truc, Raven. Un truc que tu ne parviens pas à identifier. Tu as beau l’observé, ça n’a pas l’air de fonctionner. Tu ne vois rien. Rien ne te sautes aux yeux … rien à part de nouvelles questions, à chaque fois. « Alors … Tu vis dans l’une des résidences, toi ? » Tu le supposes. La dernière fois, il n’avait pas l’air décidé à quitter le campus, et là, il t’avais donné l’impression qu’il rentrait. Tu l’observes, du coin de l’œil, tu guettes chacune de ses réactions, de ses expressions aussi. Finalement, tu te dis que l’avoir cogné avec ton carton, ça va te donner l’occasion d’en savoir plus … d’apprendre à le connaître un peu mieux. Et rien que ça, en soit, c’est plutôt exceptionnel, pour toi.

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Oh alors, tu le sens bien qu’il est sur la réserve. Genre, vraiment. Regarde le donc froncer les sourcils et regarder ailleurs. Amusant. Si amusant que ça change ton sourire, légèrement. Il est pas vraiment obligé de te répondre, en plus. Tu sens qu’il hésite. Mais finalement, il parle quand même. Il le dit tout bas, et tu te contentes de hausser les épaules. « Et c’est sympa ? Je veux dire … c’est calme, ce genre de chose ? » Toi, t’aurais jamais supporté de vivre en résidence étudiante. T’es peut-être trop bizarre pour ça. Pis, t’as quelques cadavres dans le placard quoi. Fin’, façon de parler.

Lorsque tu reportes ton attention sur le chemin, tu te rends compte que vous avez eu le temps de sortir de l’enceinte de l’Université, mieux, tu t’es inconsciemment engagée dans ta rue. Quand tu disais que c’était vraiment pas loin. Prendre la voiture ? C’est juste un caprice. « Tiens c’est là. » Tu désignes un petit bâtiment, avant de passer ton badge et de pousser la porte, le laissant entrer, puis tu t’engages dans l’escalier. Ça va, t’es juste au premier. Du coup, t’as le temps d’ouvrir ta porte et d’entrer dans ton tout petit appartement et de poser tes clés avant de te retourner. « Fait comme chez toi. T’as faim ? Ou soif ? Un truc ? »

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Décidément, il est un peu bizarre ce garçon. Sacrément bizarre, en fait. T’as l’impression qu’il se méfie … alors, c’est vrai qu’il ne te connait pas trop mais quand même. Suffit de te regarder. Normalement, tu n’inspires pas la crainte. Normalement, dans la logique des choses, c’est toi qui devrais le craindre – même si t’as aucune raison de la craindre et qu’en vérité, c’est vrai, il a raison de se méfier de toi - … Cela dit, encore une fois, tu gardes tes réflexions pour toi. Encore une fois, tu te contentes de paraître la plus naturelle possible et lorsqu’il accepte de boire quelque chose, tu te contentes de sortir le jus de pomme du frigo pour lui en servir un verre, et puis, tu reviens vers lui et tu poses le verre sur le petit meuble dans l’entrée pour venir attraper le carton que tu reposes finalement par terre aussitôt, avant de te mettre à fouiner dedans. Y’en a pour … un régiment. « Ça te tente des viennoiseries ? Je pourrais jamais manger tout ça. » Et tu relèves les yeux vers lui, toujours à genoux par terre, près du gros carton, un sachet pains aux raisins entre les mains.

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